Contenus associés à "Axe 2 : Pratiques, expériences et représentations de l'espace (2022-2027)"

Pratiques, expériences et représentations de l'espace

Privilégiant une entrée par les individus, l’axe “Pratiques, expériences et représentations de l’espace” s’inscrit dans la continuité des points forts et des entrées thématiques de l’UMR ESO en matière d’éducation, de santé, de mobilités et de migrations, de parcours et d’engagement. L’objectif est d’éclairer les problématiques fédératrices et de les travailler selon des angles d’approches différents et complémentaires (cf figure) : (1) les expériences différenciées de l’espace, (2) l’habiter dans la circulation, (3) les perspectives biographiques et les engagements. La réflexion collective interdisciplinaire autour de ces trois entrées s’attachera à explorer la dimension spatiale des pratiques individuelles : à la lecture des expériences, des circulations, des parcours, en quoi l’espace apparaît-il comme une ressource structurante des pratiques individuelles et sociales ?

 

figure axe 2

 

Figure : Représentation du projet axe 2

L’éclatement géographique des lieux de vie ainsi que les inégalités d’accès aux espaces interrogent de plus en plus la capacité des individus à développer des pratiques spatiales susceptibles de préserver et d’agencer le lien social. Autrement dit, les circulations entre différentes activités, entre plusieurs lieux de résidence ou de sociabilités façonnent une déclinaison d’expériences de l’espace et de l’habiter, tout en mettant en jeu la cohésion des groupes sociaux. Dans cette perspective, en quoi l’espace constitue-t-il un ressort de même qu’une ressource pour l’engagement des individus, entendu au sens large ? Dans quelle mesure son appropriation redéfinit-elle les capacités comme les dispositions à s’engager ensuite ? L’ancrage des individus et leurs expériences de mobilité peuvent-ils être considérés tel un déclencheur et/ou comme le produit des engagements situés ?

 

1. Expériences différenciées de l’espace et capacités d’actions

Cette première entrée reprend la question centrale de l’expérience, en la renouvelant et en l’intensifiant. Ce projet a l’objectif d’approfondir un certain nombre d’enjeux concernant les processus de différenciation de l’expérience apparus à l’occasion du bilan de l’axe comme saillants. La question de l’expérience et la façon dont la connaissance de l’espace se construit à travers les pratiques quotidiennes et les trajectoires biographiques des individus deviennent centrales pour penser les capacités d’actions et de transformations collectives : de quoi se composent les différentes expériences du monde ? Comment se font les agencements entre expériences individuelle et collective ? De quelles manières les expériences socio-spatiales sont articulées, agrégées, co-construites pour former des visions du devenir souhaitable des sociétés ? L’attention sera portée sur l’expérience de l’espace au niveau tant des individus que des groupes en situation à travers trois entrées privilégiées : les processus différenciés de la construction sociale de l’expérience spatiale, le passage de l’expérience aux savoirs expérientiels, les cadres et les logiques de l’enquête sur les expériences de l’espace.

La construction sociale de l’expérience de l’espace : corps, sensibilités et cognitions

Seront envisagées ici l’ensemble des pratiques, des représentations et des sensibilités, qui caractérisent le vécu quotidien de et dans l’espace. On s’attachera aux conditions concrètes et matérielles structurant l’expérience, aux transactions entre individus et espaces à travers les notions de paysage, d’ambiance, mais aussi à l’expérience comme produit d’une histoire, d’une trajectoire individuelle et sociale, variable dans les espaces et en fonction des échelles d’analyse. Quelles sont les différentes expériences de l’espace ? En quoi les espaces vécus, pratiqués façonnent-ils des expériences différenciées ? Dans quelle mesure ces expériences sont-elles socialement, temporellement et spatialement distribuées ? Il s’agira notamment d’interroger les différentiels entre l’expérience vécue (S. Depeau, E. Geisler) ou imaginée (A. Cordier), médiée par différents types d’interfaces et de supports (H. Bailleul, I. Danic, A. Léobon), normée par les contextes sociaux et culturels (C. Guibert, B. Feildel, R. Gaillard) participant à construire une expérience différente, parfois en conflit avec celle qui est vécue à l’épreuve du corps et des sens (E. Walker). Dès lors, on s’intéressera aux écarts entre ces différentes expériences, aux modalités de leurs manifestations, à ce qu’ils font à l’expérience ici et maintenant, aux processus de normalisation à travers notamment l’étude des pratiques du corps (V. Coëffé, E. Jaurand, B. Taunay), des pratiques éducatives urbaines (S. Depeau), ou l’intervention socio-éducative (A. Clavé-Mercier), mais aussi à travers la mise en tourisme (P. Duhamel, X. Michel) ou les processus de patrimonialisation (A. Ouallet).

Savoirs expérientiels : savoirs issus de l’expérience de l’espace

Les savoirs issus de l’expérience sont au cœur du renouvellement de l’approche des espaces proposée ici. Comprendre en quoi les expériences de l’espace en structurent les pratiques, et inversement en quoi les pratiques de l’espace influencent les expériences sera un enjeu de connaissance des rapports à l’espace. Les travaux en cours sur les déplacements des individus ou les études touristiques laissent à penser que les savoirs expérientiels de l’espace pourraient être étudiés pour comprendre le conditionnement des pratiques par l’espace (F. Demoraes), et réciproquement (C. Guibert). De même, un défi sera de mieux appréhender l’expérience des espaces dans ses différentes dimensions perceptives et cognitives (E. Gardien) : qu’apprennent, que savent, que mémorisent les habitants d’un espace commun, les visiteurs d’un lieu, les résidents d’un habitat ? En quoi les expériences dans leurs dimensions multi-sensorielles, visuelles, auditives, olfactives, tactiles, gustatives, et signifiantes participent à la production de connaissance et de reconnaissance d’un espace donné ? L’espace sera également envisagé à travers ses fonctions capacitantes et apprenantes. En quoi et comment les fonctions ou la conception a priori d’un espace en termes d’information ou encore de travail permettent d’accéder et de s’approprier des savoirs de tout ordre ? En quoi et comment l’espace dans ses configurations matérielles ou virtuelles peut faire œuvre de médiation (H. Bailleul, A. Cordier) ? En quoi les qualités des espaces mis à disposition facilitent ou pas l’appropriation de savoirs, la création de relations en présence ou à distance à des individus ou à des objets ? Enfin l’espace sera appréhendé comme support et ressources à la production ou au contraire à l’impossibilité de déployer certains savoirs, permettant ainsi d’éclairer les distributions socio-spatiales des savoirs expérientiels (E. Gardien).

De l’expérience à l’enquête : cadres et logiques de l’enquête sur les expériences

Chaque expérience acquiert ses significations dans un contexte et un cadre de vie donnés. Les sociétés, à travers les organisations spatiales, les pratiques sociales et les parcours de vie qu’elles promeuvent, participent à la configuration des expériences selon des modalités spécifiques qu’il s’agira d’élucider. La dimension sociale de l’expérience nous invite à interroger les cadres politiques qui configurent et participent à la disqualification, à la minoration ou à l’invisibilisation de certaines modalités de l’expérience. Quelles sont les représentations socialement partagées qui participent à construire le sens de l’expérience de l’espace ? Quelles sont les normes qui s’imposent à l’expérience des individus ? Dans quelle mesure l’expérience d’un individu peut-elle être subsumée par des significations communes et partagées ? L’imbrication des multiples dimensions qui structurent les rapports entre espaces et sociétés, dans un contexte de changements rapides, porte en elle un enjeu méthodologique et éthique. Nous entendons ainsi développer la réflexion sur la posture du chercheur, en relation avec ses objets, ses terrains, ses ressources, ses contextes, ses destinataires. L’investigation portera sur une clarification, un approfondissement et une mise en débat de nos étayages épistémologiques. Il s’agira aussi de partager, expliciter, co-construire des méthodologies de recueil et d’analyse de données, dans une perspective participative incluant chercheurs et non-chercheurs. L’objectif sera d’éclairer la participation de la recherche en sciences sociales à des prises de conscience et de position, mais aussi à des formes d’action collective, des luttes, des résistances.

 

2. Habiter dans la circulation

La réflexion sur habiter autrement se poursuit en entendant participer aux recherches sur les mobilités et l’habitat. Trois registres de travail seront ouverts : une réflexion de fond sur les rapports entre les processus d’ancrages et les pratiques de circulation, l’analyse d’espaces moins investis par la recherche en sciences sociales sur cette thématique, la mise en place de méthodologies plurielles. Nous entendons privilégier une approche intégrant à la fois l’étude des groupes et individus mobiles et les personnes, institutions, etc., impliquées dans leur accueil par le biais du logement et de l’hébergement.

Contenus associés à : #Logement

Pratiques de circulation : entre-deux, pluralités, temporalités

On interrogera ici les mobilités des personnes qui occupent l’entre-deux, ou qui circulent dans des registres de mobilités formels ou informels, ce qui permet d’articuler plusieurs champs d’études des mobilités spatiales habituellement séparés (mobilités résidentielles, quotidiennes, professionnelles, migrations internationales, déplacements touristiques, etc.). Les liens entre la circulation et l’habiter seront interrogés dans la pluralité des activités humaines, et dans la continuité des travaux sur les parcours et trajectoires, donnant ainsi la possibilité de mettre en lumière les recherches sur les migrations saisonnières (C. Arab, S. Delépine), l’expérience migratoire des ultra-marins (H. Jarousseau), les mobilités professionnelles telles qu’elles se développent autour des tiers-lieux (G. Baudelle, B. Feildel), les mobilités propres à la formation professionnelle (P. Caro, A. Checcaglini) ou aux étudiants/enseignants/chercheurs internationaux (M. Hardouin), les mobilités liées aux dynamiques familiales (P. Sebille, D. Lessault), sur les apprentissages de la ville (S. Depeau) ou à la recherche de soins ou de bien-être (S. Fleuret). L’habiter et ses temporalités variées seront observées à partir d’approches différenciées (biographiques, longitudinales, transversales), autour notamment des réflexions sur le quotidien et les routines et/ou sur le passage d’une forme d’habiter à une autre (B. Chaudet, C. Lamberts), ou sur les situations de précarité résidentielle (A-C. Hoyez, C. Gasquet-Blanchard) et la place des informalités (S. Depeau).

Formes d’ancrage des pratiques de circulation : construire, loger et héberger des populations mobiles

L’identification des régimes de formalité et d’informalité, faisant écho à la question de l’institutionnel et du non-institutionnel, conduiront à interroger les formes d’ancrage dans la circulation observées autour des dispositifs développés pour construire, loger et héberger les populations mobiles non prises en charge par les pouvoirs publics ou contournant les dispositifs en place. Comment l’offre de logements s’adapte-t-elle à différentes formes d’instabilités résidentielles, d’habiter autrement ? Et, vice versa, comment certains modes d’habiter autrement composent, voire transforment, l’offre de logements existante ? Le rapport entre ancrage et circulation est traversé de rapports d’altérité variés, observés dans les mobilités des enfants (S. Depeau), le translinguisme (A. Filhon), les catégorisations des personnes exilées et réfugiées dans la région euro-méditerranéenne (L. Vignal), la mise en place de mobilités durables dans les espaces urbains (F. Demoraes, V. Gouëset, G. Baudelle, S. Depeau), dans l’accueil des populations exilées et saisonnières étrangères dans les espaces ruraux ou touristiques (D. Lessault) ou les initiatives « villes accueillantes ».

Représentations graphiques de la mobilité et de l’habiter : réflexivité et méthodologie

La dimension “habiter dans la circulation” de l’axe donne l’opportunité de développer une approche critique du paradigme mobilitaire qui focalise l’attention sur le mouvement, les individus mobiles, sans toujours les mettre en rapport avec les groupes, espaces et sociétés dans lesquels ils prennent place. Comment les SHS et en particulier l’UMR ESO prennent part au débat sur les inégalités d’accès à la mobilité à différentes échelles ? Comment les SHS peuvent interférer dans la fabrique des représentations collectives des enjeux de mobilité spatiale et de circulation ? Comment se construisent les normes mobilitaires qui gouvernent les sociétés ? Ces questions seront éclairées par des réflexions éthiques sur les enjeux de représentation des mobilités spatiales et des parcours des individus. Les projets proposant des modes de valorisation en partenariat avec le monde artistique et culturel seront mobilisés, dans la poursuite de ce qui avait été mis en place avec l’école d’été MobHumaNip en 2014, autour de la production de BD (D. Lessault), d’expositions photographiques ou de pièces de théâtre (A-C. Hoyez), ainsi que de l’EUR CAPS (H. Bailleul).

 

3. Perspectives biographiques et engagements

L'objectif est ici d'étudier le parcours des individus à l’aune des formes d’engagement individuel que ceux-ci dessinent, des plus ordinaires et quotidiens (dans une activité) aux plus collectifs et militants (pour une cause). Différentes entrées seront mobilisées : âges de la vie (P. Caro, A. Checcaglini, I. Danic), travail (J-P. Melchior, G. Krauss), mouvements sociaux (E. Walker), handicap (M. Calvez) ou migration (P. Sebille, D. Lessault, S. Delépine, C. Gasquet-Blanchard, A-C. Hoyez). Dialectiquement, les formes d’engagement seront éclairées à l’aune de ce qu’elles doivent à la vie passée des individus qui les conduisent tout en étant attentif à ce qu’elles font à leur devenir, les méthodes, concepts et éthiques nécessaires à leur appréhension étant explorés et discutés. La notion d’engagement sera notamment discutée suivant ses différentes acceptions disciplinaires et paradigmatiques, ses rapports avec différentes formes d’action - implication, obligation, mobilisation... - et on s’attachera à révéler la pluralité, la concomitance de différents engagements, à différents titres, et suivant différentes temporalités. En lien, les méthodes biographiques mobilisées dans le précédent projet seront reconduites (récits de vie, entretiens biographiques, archives, etc.) afin de reconstituer la vie des individus et appréhender le sens qu’ils lui donnent, mais aussi pour contextualiser l’engagement. Est donc visée ici une perspective interdisciplinaire d’exploration à la fois empirique, méthodologique, conceptuelle et éthique de l’engagement ; l’engagement est entendu au sens large, de son maintien ou de son abandon, et de ses conséquences à l’échelle de l’individu, pensé comme singularité socialement et itérativement construite.

Éclairer l’engagement à l’aune des socialisations passées

L’engagement pourra d’abord être saisi lors de sa phase liminaire d’enrôlement, ou au travers de son maintien. En mettant la focale sur la socialisation de l’individu, il s’agira d’éclairer en quoi ces deux moments de l’engagement peuvent s’expliquer premièrement par l’intériorisation de tels ou tels cadres sociaux, hérités ou rencontrés au cours du cycle de vie, révélant parfois des accidents biographiques. L’appréhension des différentes ressources dont il disposait au moment de s’engager et qui ont effectivement été mobilisées lors de l’enrôlement, ou le sont encore dans le cas du maintien constituera une seconde entrée. Une attention particulière sera réservée à la dimension spatiale de ces cadres et capacités : socialisation aux usages institués au sein des espaces vécus et aux groupes qui les pratiquent, attachement et ancrage, ressources spatiales et spatialisées, liens entre les lieux ressources (des lieux ordinaires aux hauts-lieux de mobilisations collectives). Ces dispositions individuelles à l’engagement seront enfin rapprochées des configurations sociales, spatiales, économiques, techniques, culturelles et politiques au sein desquelles elles peuvent ou non se déployer et/ou se renouveler.

Éclairer les défections et les conséquences de l’engagement

Si les logiques de l’engagement ont été assez bien documentées, ses conséquences ainsi que les motifs de désengagement l’ont été beaucoup moins. La hausse des divers coûts consentis jusque-là ou la baisse des rétributions auxquelles donnait accès l’engagement en sont-elles responsables ? L’individu désengagé l’est-il du fait d’accidents biographiques ou en raison de dissonances autour de la défense collective d’une cause ? Parce que l’engagement s’est porté vers d’autres registres, d’autres espaces ? Ses cadres sociaux ont-ils évolué suite à ce désengagement, re-définissant son identité sociale ? Ses rapports au monde, et singulièrement aux espaces de vie se sont-ils reconfigurés, traduits par un ancrage ou une déprise ? Dans quelle mesure s’est-il enrichi, notamment dans sa capacité à posséder, connaître, faire avec l’espace ou s’y rendre légitime, donnant ainsi lieu à de nouvelles prédispositions à un engagement futur, ici ou là ?

Comment étudier l’engagement et ses temporalités... y compris ceux du chercheur ?

Appréhender l’engagement des individus dans une perspective biographique nécessitera de discuter les apports de différentes disciplines sur les plans méthodologiques, conceptuels et éthiques. Les différentes méthodes utilisées pour une telle approche seront discutées collectivement, qu'elles reposent sur les intéressés eux-mêmes (entretiens, parcours commentés, cartes mentales, questionnaires...), ou qu'elles contextualisent ce vécu dans une perspective configurationnelle (monographies, statistiques spatialisées...). La prise en compte des temporalités et spatialités de l’engagement sera elle aussi discutée (difficultés du longitudinal, pertinence du rétrospectif, documentation des configurations locales, cartographie des parcours d’engagement). On explorera deuxièmement les apports, implications et limites des concepts souvent mobilisés pour ce type d’approche (parcours de vie, cycle de vie, trajectoires, carrière militante). Enfin, une réflexion éthique sur l'engagement du chercheur lui-même, ainsi que son rapport à l’engagement sera conduite, dans la continuité du dernier colloque quinquennal ESO/JEDI. Du positionnement dans le champ académique à l'engagement dans la cité, nombreuses seront les formes (manifestations scientifiques alternatives, recherche-action, transfert de compétences, intervention sociologique, auto-formation militante) et implications (neutralité axiologique, objectivation, utilité sociale, rapport aux enquêtés...) à discuter.

En cours de chargement...