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Catherine Darrot
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Les catégorisations du foncier agricole à Belle-Ile-en-Mer, révélatrices des spécificités sociales insulaires
Catherine Darrot, Bedrani Naila, Mélanie Congretel, Philippe Boudes. Les catégorisations du foncier agricole à Belle-Ile-en-Mer, révélatrices des spécificités sociales insulaires. 8eme congrès de l'association française de sociologie "Classer, déclasser, reclasser", Association française de sociologie, Aug 2019, Aix-en-Provence, France. ⟨hal-02368903⟩
L’agriculture des îles atlantiques française se présente d’une manière générale comme un concentrateur d’enjeux relatifs aux zones rurales des confins, cependant paradoxalement ici dans un contexte de sur-fréquentation touristique de ces espaces. Ce mouvement vers les iles s’accompagne d’une expression exacerbée des demandes sociales adressées à l’agriculture : capacité à préserver les paysages et les éléments de nature, production d’une alimentation à forte identité territoriale (géographiquement spécifique, de qualité, génératrice de lien social, et plus généralement porteuse d’une expérience de lien au territoire et d’un sentiment partagé d’appartenance). Dans un tel contexte, on observe des dynamiques convergentes dans les communes ou communautés de communes insulaires, pour soutenir et préserver l’agriculture locale par des mesures politiques mais aussi pour porter l’installation de nouveaux agriculteurs tournés vers les modèles productifs attendus. Cela conduit à donner une importance croissante à la constitution de réserves foncières. Le foncier agricole insulaire présente des caractéristiques particulières (qu’explique l’histoire spécifique de ces agricultures) principalement le morcellement extrême des parcelles cadastrales et la non identification de propriétaire d’une part significative des parcelles. Pour autant, les exploitations agricoles insulaires ne présentent pas une structure foncière et spatiale très différente de celle du continent. A Belle-Ile-en-Mer, seconde plus grande ile de France métropolitaine après la Corse, les exploitations d’élevage qui couvrent l’essentiel du territoire agricole travaillent des espaces relativement continu et approchant les moyennes départementales pour leur production : pour y parvenir, les agriculteur mettent en œuvre de multiples stratégies d’appropriation et d’agrégation des petites parcelles cadastrées, des plus formelles (propriété) aux plus informelles (occupation sans accord préalable du propriétaire). Des particularités de l’ile permettent cette situation : l’existence de nombreuses parcelles non mises en valeur et progressivement livrées à la friche d’une part, l’impossibilité légale d’autre part pour les propriétaires non exploitants de bâtir un jour sur leurs parcelles agricoles alors qu’ils les gardent dans ce but pour leur usage ou pour bénéficier de l’économie du tourisme. Les propriétaires gardant leurs terrains dans un but spéculatif à moyen terme ne sont pas toujours au courant de ce qui se passe sur cette parcelle en cas d’occupation agricole sans leur accord. D’autres propriétaires ne savent pas exactement où est leur terrain ou s’en désintéressent. Ces éléments de situation expliquent ensemble l’abandon d’une part des parcelles agricoles et la possibilité par conséquent pour les agriculteurs d’envisager de les reconquérir, fut-ce au prix d’efforts techniques significatifs lorsque plusieurs années d’enfrichement y ont laissé gagner les ligneux (principalement le prunelier). Des entretiens semi-directifs menées en septembre et octobre 2018 auprès de plus de la moitié des agriculteurs de l’ile ont permis d’établir une typologie et un chiffrage des divers modes de faire-valoir du foncier agricole dans l’ile, d’explorer la hiérarchie des facteurs jouant dans la décision des agriculteurs lorsqu’ils s’approprient des parcelles selon leurs logiques professionnelles respectives, et enfin de détailler les logiques d’affectation des fonctions de cette parcelle dans le système d’exploitation. La communication détaillera ces résultats qui invitent à plusieurs observations conclusives portant sur les modes de catégorisation du foncier. L’enquête a d’abord mis en évidence des logiques professionnelles paradoxalement très comparables à celles du continent : les idéaux-types rendant compte des logiques professionnelles restent assez classiques par ailleurs. En revanche, les catégorisations du foncier sur lesquelles reposent ces logiques professionnelles se révèlent extrêmement originales. L’enquête a révélé que plus de la moitié des parcelles fait l’objet d’accords informels ou d’une absence d’accord entre exploitant et propriétaire, en particulier nous avons mis en évidence que 40 % du foncier agricole de l’ile est exploité par accord amiable annuel entre propriétaire et agriculteur, sans bail rural formalisé. Cette situation, cumulée avec l’émiettement des parcelles cadastrées, rend très difficile d’accès le foncier nécessaire à l’installation des nouveaux candidats à l’agriculture, relativement nombreux et porteurs de projets agroécologiques tournés vers l’économie insulaire : afin de bénéficier des aides publiques à l’installation il leur est indispensable d’officialiser leur foncier par un achat ou un bail formalisé : c’est à eux surtout que pourraient être destinée une part des terres mises en réserve foncière par le communes si cette réserve voyait le jour. Les autres agriculteurs de l’ile, en cours de carrière et à la recherche de foncier, raisonnent leurs priorités pour s’intéresser à de nouvelles parcelles selon une série de critères qui n’incluent pas significativement la possibilité d’en légaliser l’usage (par vente ou bail rural, les deux seules solutions légales protégeant pleinement le droit d’exploiter). Surprenant également, alors que la majorité de ces espaces agricoles insulaires fait l’objet de lois ou mesures restrictives de protection de l’environnement, les agriculteurs ne citent pas non plus ce critère comme plus dissuasif ou au contraire comme éventuellement incitatif : ce mode de classement du foncier n’entre pas dans leurs préoccupations, et même assez peu dans l’univers de connaissances qu’ils manient au quotidien. Les limites spatiales des diverses mesures et les parcelles concernées ou pas ne sont pas clairement identifiées pour beaucoup d’entre eux, non plus que le contenu des cahiers des charges agricoles relatifs à ces diverses mesures ou réglementations (alors que les cartes et données sont assez facilement disponibles). Ainsi, les deux principales catégorisations légales et administratives du foncier agricoles continental sont peu significatives à Belle-Ile. D’autres critères dominent (par ordre décroissant de fréquence et d’intensité d’apparition de ces facteurs dans le raisonnement des agriculteurs) : d’abord et très nettement la confiance accordée à l’accord amiable passé avec le propriétaire, ou au contraire la possibilité d’occuper celle-ci en l’absence de tout propriétaire identifiable (une situation qui n’est pas si rare dans l’ile) ; puis l’intérêt pour la parcelle selon sa situation spatiale par rapport au reste de l’exploitation, la qualité agronomique des terres, la taille de la parcelle. Quant aux lois et mesures de protections environnementales, les contraintes qu’elles font peser sur l’agriculture sont relativisées par le fait qu’une part significative des agriculteurs procède déjà de manière relativement conforme aux cahiers des charges. Cette situation s’explique notamment par le faible chargement de pâturage dans tous les élevages de l’ile, menés plus significativement à base d’herbe que sur le continent. Nous dégageons de cette analyse des modes de catégorisation du foncier deux particularités propres aux îles : d’une part, des modes de socialisation significativement basés sur l’interconnaissance et les accords informels, une relative distanciation à l’égard des cadres juridiques et administratifs en vigueur sur le continent, et d’autre part une agriculture techniquement plus extensive (i.e. exploitant moins intensivement l’espace) que celle du continent.
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