Les mobilités étudiantes depuis la Martinique et la Guadeloupe correspondent aux taux de départ d’étudiant·es parmi les plus élevés des régions françaises, y compris parmi les régions ultramarines (Temporal, 2017). La pression au départ véhiculée dans les discours est forte, notamment après le bac (Michel, 2022). Elle prend la forme d’injonctions à la mobilité étudiante vers l’Hexagone dans les différentes sphères de socialisation (école, famille, médias), de pression et de stigmatisation pour celles et ceux « qui restent » ou qui n’ont pas pu partir pour travailler ou pour étudier (ibid). Cette proposition de communication s’inscrit ainsi dans l’axe 3 de l’appel, et invite à appréhender le voyage comme une mobilité présentée socialement comme nécessaire et obligatoire dans le parcours des jeunes en Martinique et en Guadeloupe. Analyser ces mobilités et ces injonctions, c’est analyser la périphérisation institutionnelle à la fois dans le contexte français, dans le contexte européen mais aussi dans le contexte de la Caraïbe (Beauvallet et al., 2016; Daniel, 2018; Galy, 2019; Rubio, 2005). Tout en rappelant que les étudiant·es représentent une population bien spécifique sur le plan socio-économique au sein de la jeunesse de ces deux territoires, l’injonction à voyager vers une centralité qu’est l’hexagone pour réussir ou « s’en sortir » est prégnante (Bertile, 2014; Temporal, 2017). Mais au-delà de ces discours, d’autres stratégies et d’autres projections émergent plus récemment dans les pratiques, les représentations et les discours des étudiant·es : rester par choix, aller vers d’autres centralités identifiées, aller vers des espaces en situation de périphérisation ou encore revenir pour celles et ceux né·es dans l’hexagone suite à la migration de leurs parents (Marie & Temporal, 2011). Il s’agira donc de considérer la pluralité et la complexité des imaginaires associé à un voyage en tant qu’étudiant·e vers d’autres espaces, vers d’autres futurs (Madge et al., 2009), que ce voyage soit réalisé ou projeté. Après une contextualisation spatiale et temporelle des mobilités étudiantes des jeunes martiniquais·es et guadeloupéen·nes ainsi que des dispositifs institutionnels associés, les résultats d’une enquête menée en deux temps seront présentés. Celle-ci est composée d’une part d’un questionnaire cartographique numérique réalisé en 2021 auprès d’étudiant·es à l’Université des Antilles au sein du projet ANR-DFG Imageun (N = 231). Dans ce cadre, les espaces de mobilités réalisées ou souhaitées par les étudiant·es dans différents contextes (tourisme, étude, résidence) seront analysés et mis en regard de leurs trajectoires de mobilité et migratoire. D’autre part, un corpus d’entretiens (N=27) réalisés en 2022 auprès d’étudiant·es en Martinique et en Guadeloupe – étudiant·es étant resté·es ou arrivant d’autres régions ou pays – viendra approfondir la compréhension de leurs (im)mobilités, de leurs projets et des imaginaires projetés sur ce voyage réalisé ou non, d’une durée variable, justifié par une pluralité de motifs (réseaux, pratiques culturelles, spécialisations, revendications politiques, etc.) et sur les espaces choisis (autre collectivité ultramarine, hexagone, Floride, Louisiane, Brésil, Europe, Corée du Sud, etc.).