En espace agricole, les limites entre espace public et espace privé sont poreuses et souvent mal définies, ou bien variables selon les usages étudiés. En même temps, certaines de ses fonctions écologiques et paysagères conduisent cet espace vers une publicisation croissante. A partir d’entretiens et d’enquêtes réalisés sur les thématiques des usages de loisirs d’une part, de la gestion des bords de champs d’autre part, les auteurs croisent le regard et les méthodes de la géographie sociale et de la psychologie sociale pour tenter de répondre à la question suivante : dans quelle mesure et selon quels mécanismes les agriculteurs modifient-ils leurs représentations de leur espace professionnel du fait de la perméabilité de cet espace et/ou de son caractère publicisé ? Peut-on distinguer l’influence des valeurs véhiculées en général par la culture non-agricole contemporaine et celle des demandes qui sont portées par des usagers ou des techniciens en contact interpersonnel avec les agriculteurs ? Sur un plan théorique, il s’agit de montrer le rôle que joue l’espace vécu au quotidien dans l’efficience des concertations qui se produisent autour des usages et des valeurs de cet espace, permettant parfois de surmonter certaines inégalités socio-spatiales, et parfois pas. Cette communication est à rapprocher du second axe de l’appel à communication : « Faire campagne : quelles pratiques du monde rural ? ». Les loisirs et le paysage sont en effet deux fonctions de l’espace largement partagées par les populations urbaines et rurales d’aujourd’hui, mais qui, en espace agricole, bousculent la dynamique productiviste ou le droit de propriété. La communication s’attache à montrer comment les agriculteurs intègrent (ou pas) certaines valeurs sociales actuelles dans leurs pratiques, contribuant au portrait d’un monde rural qui ne juxtapose pas des catégories étanches mais permet des interactions sociales directes ou indirectes.

In agricultural areas, the boundaries between public and private space are porous and often poorly defined, or vary according to the uses in concern. At the same time, some of its ecological and landscape functions are leading this space to become increasingly public. On the basis of interviews and surveys conducted on the subject of leisure uses on the one hand, and the management of field margins on the other, the authors combine the insights and methods of social geography and social psychology in an attempt to answer the following question: to what extent and by what mechanisms do farmers modify their representations of their professional space as a result of the permeability of this space and/or its publicised nature? Can we distinguish between the influence of the values conveyed in general by contemporary non-agricultural culture and that of the demands made by users or technicians in interpersonal contact with farmers? From a theoretical point of view, the aim is to show the role played by the space experienced on a day-to-day basis in the efficiency of the consultations that take place around the uses and values of this space, sometimes making it possible to overcome certain socio-spatial inequalities, and sometimes not. This paper should be seen in conjunction with the second theme of the call for papers: ‘The countryside: what practices in the rural world’. Leisure and landscape are two functions of space that are widely shared by today's urban and rural populations, but which, in agricultural areas, challenge the dynamics of production and property rights. This paper sets out to show how farmers integrate (or fail to integrate) certain current social values into their practices, contributing to the portrait of a rural world that does not juxtapose watertight categories but allows for direct or indirect social interaction.