Les frontières sociocognitives (Gardien, 2021) sont aujourd’hui au cœur des difficultés de reconnaissance des pairs et mettent sous tension la négociation des frontières avec les métiers préexistants dans le champ de l’intervention sociale. L’analyse proposée ici décryptera les écarts entre expérience ordinaire et expérience rare ainsi que la construction sociale de frontières sociocognitives. Cet éclairage permettra de mieux appréhender les raisons de perspectives différenciées entre intervenants sociaux et personnes directement concernant une partie des problèmes à résoudre et des solutions à construire. L’analyse se poursuivra par une réflexion sur conséquences de ces frontières sociocognitives en matière d’évaluation des besoins et de conception des priorités d’action, notamment dans le champ de l’intervention sociale. Un exemple historique de redéploiement dans l’état du Connecticut (USA) des politiques publiques et des pratiques professionnelles concernant la santé mentale fondées sur la perspective des personnes directement concernées sera présenté. La conclusion portera sur les recours actuels aux savoirs expérientiels rares en France et leurs limites.

Sociocognitive boundaries lie at the heart of peers' difficulties with recognition. These boundaries create tension when negotiating with pre-existing professions in the field of social intervention. This analysis clarifies the differences between ordinary and rare experiences, as well as the social construction of sociocognitive boundaries. This will improve our understanding of why social workers and users have different perspectives on the problems to be solved and the solutions to be developed. Next, the analysis will reflect on the consequences of these boundaries in terms of needs assessment and priority setting, particularly in social work field. It will present a historical example of the redeployment of public policies and professional practices concerning mental health in Connecticut, USA, from the users' perspective. Finally, the conclusion will address the current use of rare experiential knowledge in France and its limitations.