« Nous à la campagne, l’écologie on la connaît » : appropriations et résistances aux injonctions environnementales chez des Gilets jaunes normand·es
Certains commentaires journalistiques voire des responsables politiques ont décrit le mouvement des Gilets jaunes comme anti-écologiste, une mobilisation qui émanerait de ruraux dont les pratiques sociales seraient incompatibles avec les impératifs climatiques. Un ensemble de travaux (Flipo, 2021 ; Levain et al., 2022) contredisent pourtant cette version stigmatisante. La taxe carbone, à l’origine de leur révolte, a été vécue comme une injustice traduisant une méconnaissance de la quotidienneté des populations qui habitent en dehors des grandes métropoles reliées par des offres diversifiées de transports en commun. Les habitant·es de ce qui a été présenté comme la « France moche » s’intéressent également aux questions écologistes, mais dans un registre différent de celui que traduit le discours écologique légitime. La socialisation aux enjeux écologistes est différenciée au sein du mouvement. En premier lieu des Gilets jaunes appartenant aux catégories intermédiaires de l’espace social et plutôt doté·es en capital culturel s’affichent comme « écologistes » et retrouvent dans le mouvement des Gilets jaunes une manière de renforcer ce militantisme et leur consommation engagée. En second lieu, des Gilets jaunes appartenant au pôle économique (Bourdieu, 1979) des classes populaires rattachent spontanément leurs pratiques budgétaires contraintes et leur style de vie rural à un style de vie écologique qui ne cadrent qu’imparfaitement avec l’écologie dominante. Ce texte a pour but d’interroger le rapport ambigu et conflictuel des Gilets jaunes normands à l’enjeu environnemental. Comment saisir les diverses modalités d’appropriations des injonctions environnementales chez les Gilets jaunes ? Et comment rendre compte de la variabilité des résistances à ces mêmes injonctions ? En partant de l’idée que l’écologie ne constitue pas un sujet consensuel au sein du mouvement des Gilets jaunes, nous souhaitons caractériser ce rejet de l’écologie institutionnelle et comprendre les ressorts de leurs préoccupations écologistes, ainsi que les registres dans lesquels elles s’expriment. C’est pour cette raison que nous souhaitons revenir aussi sur la dimension processuelle de la politisation aux enjeux environnementaux qui s’opèrent dans le temps de la mobilisation et qui a regroupé des Gilets jaunes aux priorités hétérogènes.
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Jean Rivière | Nantes Christophe Batardy | Nantes