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La perméabilité des résidences fermées en France : la fermeture résidentielle au défi des pratiques quotidiennes habitantes
Gerald Billard. La perméabilité des résidences fermées en France : la fermeture résidentielle au défi des pratiques quotidiennes habitantes. Les communautés fermées entre innovation et fortification urbaines, Fondations Braillard Architectes, Apr 2001, Genèves, Suisse. ⟨hal-01626444⟩
Le déploiement d'un arsenal sécuritaire (grille, portail, digicode, caméra…) est devenu depuis quelques années en France un élément central de nombreux produits mis sur le marché par les promoteurs immobiliers (Madoré et Glaz, 2003 ; Billard et al., 2005 ; Paquot, 2009 ). Cette tendance à la banalisation de la fermeture résidentielle en France autorise-t-elle néanmoins à évoquer une contraction de l’espace public en milieu urbain ? La réponse est équivoque. Si l’on privilégie la dimension juridique, la réponse est clairement négative. En effet, dans la très grande majorité des cas, cette évolution ne traduit pas une extension de l’espace privé au détriment du domaine public, mais matérialise, par l’imposition d’une limite claire et d’un contrôle mutualisé des accès, la différence de statut juridique entre ces deux espaces.
En revanche, si l'on privilégie l’accessibilité des lieux, la question d’une possible rétraction des espaces considérés, d’un strict point de vue de leur usage, comme relevant du domaine public, mérite d’être posée si la fermeture induit une accessibilité réduite aux seuls résidants. Le fait de fermer, par exemple, un passage privatif entre deux immeubles d’une même copropriété peut sembler tout à fait légitime au regard de l’application du droit de propriété, mais peut être perçu, en même temps, comme la suppression d’un itinéraire ayant les apparences et les fonctionnalités d’un espace public.
Toutefois, pour répondre à cette interrogation portant sur la fermeture résidentielle et la perméabilité des lieux d’habitat, encore faut-il examiner attentivement les modalités d’accès de ces ensembles résidentiels fermés. C’est entre autres pour répondre à ce questionnement qu’une typologie a été constituée en France. Celle-ci est construite à partir d’un échantillon constitué de 200 ensembles immobiliers fermés et d’une grille permettant de renseigner trois séries de variables : des variables morphologiques, d’autres permettant d’apprécier le standing et le style de vie, enfin des variables replaçant le complexe immobilier dans son environnement. Cet échantillonnage a été produit entre 2007 et 2009 lors de missions de terrain couvrant onze sites d’étude en France (La Région parisienne, six aires urbaines de province, trois espaces récréo-touristiques et la Martinique). Pour chaque opération immobilière un minutieux travail de terrain, combinant observations de visu et quête de renseignements auprès de résidents ou de toute personne ressource, comme les gardiens, a été conduit.
Au total, cette grille de renseignements nous a permis d’établir la typologie des ensembles résidentiels fermés, selon une triple déclinaison :
- La première est fondée sur la détermination des types d’ensembles immobiliers, par la combinaison de trois variables : le type d’habitat, le type d’occupation dominant et le statut d’occupation dominant.
- La seconde caractérise le type d’enclosure.
- Enfin, la troisième spécifie les modalités d’accès des piétons et des voitures, selon une grille combinant possibilité ou impossibilité d’accès.
Bien plus qu'une catégorisation de la fermeture résidentielle, l'objectif de cette communication est de montrer que la sécurisation et la fermeture des lieux ne rendent pas forcément si imperméables que cela ces enclaves résidentielles. Dans bien des cas, la vétusté ou le dysfonctionnement de certains équipements, l'ouverture partielle au cours de la journée d'une grille ou d'une barrière, le blocage volontaire par les résidents d'un portail défient le caractère radical et irréversible de la fortification résidentielle. La question de la vraie-fausse privatisation des espaces résidentiels fermés est ainsi posée à travers ce cheminement empirique à travers 200 opérations immobilières françaises.