Si la notion de tiers-lieu est déjà ancienne (Oldenburg, 1989), elle trouve depuis quelques années un écho particulier à travers la multiplication des lieux se revendiquant « tiers- lieux ». Portés par les transformations numériques et les mutations des modes de travail (Ferchaud et Dumont, 2017), renforcés par la crise Covid-19, ils étaient d’après France Tiers Lieux 2 500 en France en 2021 et 3 000 sont attendus en 2022. Nombreux sont donc les acteurs qui mobilisent la notion – citoyens, acteurs publics, associations, entrepreneurs, etc. - conduisant à en faire évoluer le sens. Les définitions sont aujourd’hui presque aussi nombreuses que ces lieux. Objets-frontière (Liefooghe, 2018), ils recouvrent des phénomènes aussi divers que ceux du coworking, des makerspaces, des FabLabs, des LivingLabs, … Leur essence tient néanmoins à l’existence d’une communauté d’acteurs réunie en un lieu physique et souvent, d’une hybridation d’activités (culturelles, sociales, numériques, etc.).
Derrière l’engouement des pouvoirs publics et les discours performatifs, les tiers- lieux font l’objet d’un intérêt important des chercheurs en sciences humaines et sociales (sociologie, économie, géographie, etc.). Plus spécifiquement, en termes de développement territorial, l’attention académique s’est portée sur deux angles d’étude principaux. Leur sur-représentation dans le centre des métropoles et dans les petites villes des espaces ruraux (Flipo et Lejoux, 2020) questionne, d’une part, leurs effets. Dans les contextes urbains, leur rôle dans la fabrique de la ville ainsi que dans la transformation des politiques urbaines (Ferchaud, 2018) a été interrogée. Dans les espaces ruraux, où leur diffusion s’est produite plus tardivement (Leducq et al. 2019 ; Krauss et Tremblay 2019), leurs spécificités ont été relevées, en particulier leur plus grande dimension multifonctionnelle et sociale (Besson, 2017). Ils sont perçus comme de potentiels catalyseurs de régénération ou de développement (Besson, 2017 ; Baudet & Weill, 2020).
D’autre part, les tiers-lieux ont été appréhendés comme de nouveaux espaces de travail (en particulier via le co-working) (Tremblay, Krauss, 2019). Ils apportent des réponses à la flexibilisation du travail (et à la recherche de sociabilité des indépendants) et à l’essor du télétravail tout en promouvant – parfois – de nouvelles façons de travailler, plus collaboratives. Leurs impacts sur les mobilités domicile-travail demeurent ambigu (Flipo, 2021, Aguilera et al., 2016) mais ils reflètent l’émergence de nouveaux modes de vie, marqués par une vision réticulaire de l’espace (Lejoux et al., 2022). Ces deux pans de littérature bien que présentés distinctement se rejoignent souvent à l’image de l’analyse des lieux d’entrepreneuriat et de salariat dans les territoires ruraux (Glémain et Billaudeau, 2022), des collectifs de travail singuliers. Si ce sont là deux briques essentielles pour appréhender ce que les tiers-lieux peuvent apporter aux territoires, le sujet n’est pas épuisé. La question des transformations productives auxquelles ils peuvent participer n’a été en que rarement abordée.
Le programme de la journée s’appuie sur des recherches académiques menées en France et en Europe tout en faisant une place importante aux témoignages de praticiens locaux, nationaux et internationaux.