Lors du colloque MOBIL, en clôture du projet du même nom, les communications viseront à interroger les mobilités et les mobilisations migratoires au prisme de l'éthique. En effet, des réflexions européennes et nationales sont engagées, de plus ou moins longue date, sur la thématique de l'éthique (Rapport du Sénat de 2013 sur l'éthique) souvent en lien avec la médecine, la biologie, la famille, le sport, la recherche et les nouvelles technologies. Toutefois, il semblerait que les questions migratoires, toutefois centrales dans nos sociétés, ne fassent pas l'objet de préoccupations éthiques de la part des politiques publiques. Et pourtant, le Pacte européen sur la migration et l'asile adopté par le Conseil de l'Union européenne le 14 mai 2024 ainsi que la nouvelle loi « Asile et Immigration » du 26 janvier 2024 en France soulèvent des questions sociétales et éthiques.
Aussi, les thématiques de la migration seront questionnées en lien avec cette notion faisant classiquement l'objet d'investigations de la philosophie et du droit, mais moins usitées dans d'autres disciplines de sciences sociales. L'éthique s'est toutefois progressivement développée dans la recherche en théories anthropologiques, politiques et philosophiques anglophones portant sur les migrations (Bader, 2005 ; Carens, 2013 ; Hosein, 2019 ; Innes, 2023 ; Kelly, 2016 ; Seglow, 2005). Notons également que de nombreux travaux de sociologues, de géographes ou d'anthropologues francophones tels ceux de M. Agier (2022) interrogent les conditions d'exil et d'accueil des populations migrantes, ceux de G. Simon (2008) s'intéressent à la mondialisation des migrations, ceux de C. Cosquer (2020) rendent compte de l'éthique de la recherche prise dans des processus de domination ethno-raciale induits par la migration, tandis que ceux de S. Dumitru (2013) et de J. Rochel (2020) incitent à une réflexion de société sur le sujet.
Comment l'éthique se présente-t-elle comme outil épistémologique pertinent pour comprendre les migrations ? Généralement associées à une dimension politique, ou tout du moins politisée, en quoi les mobilités et les mobilisations dans le cadre migratoire relèvent-elles de l'éthique ? Bien que la distinction entre « morale » et « éthique » fasse débat, l'éthique pose la question du « bien agir » (Ricoeur, 1990) sur la base de critères qui donnent lieu à différentes « figures éthiques » ou « théories morales » (Billier, 2014 ; Canto-Sperber et Ogien, 2017). Nous chercherons à appréhender la question migratoire à travers le prisme de l'éthique énoncé par P. Ricoeur : « Une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes » (1990). Ainsi, nous aborderons des questions d'« éthique normative », d'« éthique appliquée » ou de justice migratoire à partir de la voix des migrant.es eux/elles-mêmes, des acteurs et actrices de terrain, des institutions, ou encore des chercheur.es.
Ce colloque a pour objectif de faire le point sur les connaissances et les problématiques de recherche en sciences humaines et sociales autour des problématiques suivantes :
- Les expériences, les parcours et les stratégies d'adaptation des migrant.es
- Les cadres juridiques et institutionnels des lois « immigration »
- La gestion des frontières et des morts aux frontières
- Les campements et enfermements
- La défense des droits des migrant.es
- La solidarité, l'accueil et l'hospitalité
- L'intervention sociale et l'engagement
- La démarche intersectionnelle et post/dé-coloniale des migrations.