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Ce projet se pense comme une brique empirique et conceptuelle pour mieux appréhender la spatialisation infra-nationale de la structure sociale. Notre équipe composée de sociologues, de géographes, de démographes et d’économistes, mobilisant des méthodes statistiques et ethnographiques, se propose d’étudier la multilocalisation des positions sociales. Celle-ci doit s’entendre à la fois synchroniquement, pour toutes les personnes dont les circulations dans le cadre domestique, familial, professionnel, voire du loisir, s’inscrivent dans divers contextes spatiaux ; mais également diachroniquement, à travers des biographies et des expériences sociales sédimentées dans le temps, produisant des socialisations multisituées. Nous questionnons en particulier la tendance, encore dominante aujourd’hui, à localiser les individus ou les groupes au prisme d’un lieu unique à un moment donné – l’adresse de la résidence principale à la date de l’enquête. Notre projet cherche ainsi à évaluer le rôle que joue l’inscription spatiale multiple et différenciée des individus et des groupes sociaux.
Ce programme propose une vision plus dynamique, biographique, des effets de lieu et de la stratification sociale, puisque, si on le suit, une même personne agrège des expériences spatiales et sociales variées et peuvent coexister, en un même lieu, des groupes sociaux variés par leurs trajectoires sociales et par les autres lieux qu’ils investissent.
On se fixe quatre objectifs. Le premier sera de proposer une nouvelle géographe sociale de la France non fondée sur le gradient rural-urbain mais sur la morphologie sociale de l’espace, distinguant des territoires selon leur composition socio-professionnelle notamment. Nous espérons identifier des territoires sociologiquement proches par-delà leur classification selon le gradient rural urbain. Le second sera de préciser les circulations propres aux différents groupes sociaux. Nous nous attendons à identifier dans l’espace des circuits reliant des points ruraux et urbains socialement homologues, identifiants des circuits de classes supérieurs, et des circuits de classes populaires par exemple, étendant les processus de ségrégation spatiale bien au-delà de la grande ville, vers les lieux de destination, mais aussi dans la circulation. Nous nous intéresserons également aux circulations individuelles qui par leur hétérogénéité se démarquent de ces circuits collectifs. Le troisième objectif nous portera à saisir les effets sur la socialisation et le positionnement social de ces circulations individuelles sur les membres des différents groupes sociaux impliqués. Pour ce faire, nous introduirons la notion d’espace de circulation cumulant en quelque sorte l’ensemble des positions sociales tenues dans différents lieux d’une personne. On suppose que ces expériences cumulent généralement des positions sociales homologues mais qu’elles peuvent tout ajutant se révéler diversifiées. Enfin, dernier objectif, nous tenterons de saisir les effets de ces mobilités sur les rapports localisés dans les lieux où se retrouvent des groupes sociaux aux expériences sociales diverses, décrivant les conflits sociaux mais aussi les rapports sociaux en termes d’alliance de classe.