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Financement : GIS Études Touristiques
Appel à projet : Appel à projets Tremplin 2019

Le tourisme est un secteur économique important (avant la crise du Covid, l’organisation mondiale du tourisme estimait que ce secteur représentait 10 % du PIB mondial) avec des impacts locaux et régionaux parfois très importants en termes de développement économique. De nombreuses destinations touristiques constituent des territoires sur lesquels la part du tourisme dans l’activité économique est considérable, parfois majoritaire voire dominante. Parmi ces territoires, on trouve les espaces insulaires et ultramarins qui vont constituer le support de ce projet de recherche. Ces destinations sont particulièrement vulnérables face aux crises qui peuvent enrayer le fonctionnement de l’économie touristique, privant de ce fait les territoires d’une large part de leurs ressources (aux Baléares le tourisme représente, plus d’un tiers du PIB et même 48 % à Ibiza). Cette vulnérabilité est aggravée dans le cas des espaces insulaires par l’absence d’un arrière-pays qui fonctionnerait comme un support (et espace de diversification des activités) et, parfois, par un certain isolement.

La crise sanitaire liée au coronavirus a agi comme un révélateur de vulnérabilité et a fait converger tous les regards sur cette problématique. Mais une fois les frontières ouvertes et l’activité redémarrée, cette attention doit être maintenue.

La littérature grise en tourisme a assez largement étudié l’exposition au risque du secteur touristique en termes d’appréhension des crises et catastrophes (Ritchie & Jiang, 2019), généralement selon trois stades : planification, gestion et résilience (Faulkner, 2013). Mais la plupart des études portent sur le secteur du tourisme intrinsèquement (son fonctionnement, sa capacité à faire face et à se reconstruire le cas échéant). L’approche par les territoires constitue une innovation en ce sens qu’il ne s’agit plus uniquement d’évaluer l’exposition au risque et la résilience d’un secteur, mais de replacer ce secteur d’activité dans son contexte et dans une situation plus complexe pour estimer les risques et les facteurs de résilience pour l’ensemble du territoire dans lequel est située la destination touristique. Il s’agit donc d’analyser un ensemble en considérant que la place du tourisme en elle-même peut constituer un facteur de risque ou de résilience selon la manière dont il s’intègre dans un système territorial complexe et dont il s’articule avec d’autres secteurs (Voir Vittori, 2002 par exemple).

Une autre originalité forte de notre approche est de se placer dans un angle-mort de l’état de l’art sur le sujet (Jiang, Ritchie & Benckendrof, 2017). La plupart des études portent sur des crises ou catastrophes circonscrites dans le temps (ex. tremblement de terre, catastrophe aérienne, attentat ou crise sanitaire, …). Or il est très probable que certains risques prennent une dimension structurelle : c’est le cas des risques liés au changement climatique et c’est très vraisemblablement le cas des risques pour la santé humaine (ce que la crise du Covid a révélé alors que le monde occidental se croyait libéré de la menace des maladies infectieuses). Cette approche structurelle rend nécessaire la recherche d’un cadre théorique et conceptuel innovant qui dépasse l’approche classique en trois temps (avant, pendant et après la crise – Ritchie & Jiang op.cit.) qui débouche généralement sur un hypothétique « monde d’après » (Girard et Schéou, 2020). Le Covid sera donc pris ici comme un déclencheur, ses effets seront observés pour ce qu’ils ont été mais aussi pour ce qu’ils peuvent permettre d’anticiper pour une crise future.

Enfin, face à ce sujet particulièrement vaste, un prisme est retenu : celui de la santé. La santé des populations dans les destinations touristiques constitue un excellent indicateur de développement économique et social, en même temps qu’un témoin des inégalités. La santé est multidimensionnelle et son étude à l’échelle de territoires touristiques intègre des dimensions environnementales, économiques, sociales et politiques (au sens de la gouvernance des systèmes de santé) et les risques y afférent. Elle est un relatif impensé du développement touristique (le tourisme médical ou le tourisme de santé ne sont qu’une infime partie du sujet) mais représente un axe d’étude particulièrement riche (Fleuret 2022).

Il s’agira donc de réaliser des diagnostics de territoire originaux en prenant pour cadre analytique les déterminants de la santé et de repérer les fragilités qui pourraient affecter les destinations touristiques. Le modèle des déterminants retenu sera une adaptation celui proposé par le réseau villes en santé de l’OMS (voir figure)

Les déterminants de la santé et du bien-être de la population dans les municipalités

En se fondant sur cette figure, il s’agira de produire l’image d’un système complexe articulé selon deux axes : le premier est représenté par les cercles concentriques et distingue l’échelle individuelle (au centre en blanc), l’échelle locale (en vert) l’environnement macro (en bleu) et les grandes influences globales (en périphérie et en gris). Le second axe est catégoriel, il s’agira de mener une analyse par catégories de déterminants (habitat, emploi, alimentation, travail et revenus, services, systèmes politiques, systèmes de santé, …). Chaque déterminant étant lié à des indicateurs que nous ne détaillons pas ici.

Le projet 2RDT s’inscrit dans une perspective à long terme et vise à constituer un consortium de recherche pour répondre à un appel à projets européen tout en amorçant une recherche exploratoire et des publications nécessaires à l’obtention des financements visés. Il pourra s’agir de projets européens RIA (pilier 2 Horizon 21-24) sur programmes ou d’un ERC Advanced Grant. Dans les deux cas il est nécessaire de travailler de manière collaborative pour préparer le dossier de financement et effectuer les arbitrages nécessaires. En effet les financements RIA se font sur la base d’appels thématiques correspondant à un cluster au sein duquel un « work program » diffuse un « call ». Il faut donc identifier quel « work program »  dans quel cluster sera à la fois le plus pertinent et nous offrira les meilleures chances de succès. Par exemple, nous pourrions cibler le cluster 6 (Food, bioeconomy, natural resources, agriculture and environment) et le Work program intitulé « Systemic circular solutions for a sustainable tourism » ce qui nécessiterait que le consortium développe plus spécifiquement les enjeux liés à l’économie circulaire au sein de notre problématique plus large.

Le premier volet du budget (voir tableau ci-après) de ce projet tremplin-GIS sera donc consacré à former un consortium et le faire travailler afin de déposer un projet européen (organisations de réunions, déplacements du porteur de projet).  Ce volet sera complété par un cofinancement de la région pays de la Loire (via cap Europe à l’Université d’Angers)

Le deuxième volet sera destiné à engager un terrain exploratoire aux Baléares et un aux Antilles (St Martin) afin de consolider les bases des partenariats européens (Espagne pour les Baléares et Pays-Bas pour les Antilles) et rédiger de premières publications conjointes (sur les effets du COVID sur le tourisme dans ces destinations et plus largement sur les enjeux de santé posés en termes de risque et de résilience) qui donneront du crédit au projet européen.

Les données seront collectées aux moyens de méthodes mixtes dont les contours exacts seront à préciser au sein du consortium de recherche. Les outils envisagés sont :

  • Des entretiens semi-directifs avec les acteurs clés par secteurs (schématiquement : décideurs territoriaux, acteurs du tourisme, acteurs de la santé). L’objectif double est (1) de recueillir leurs points de vue et expertise sur les risques et potentiels qu’ils identifient dans le territoire où ils se situent et (2) d’évaluer le degré d’interconnaissances existant ou non entre les secteurs de la santé, de la socio-économie du territoire et le secteur propre du tourisme. L’entrée en matière pour recueillir la parole de ces acteurs ressource se fera par le récit de leur expérience du Covid)
  • Une série d’enquêtes auprès des touristes d’une part et des populations locales d’autre part, l’objectif est de connaitre leur perception des enjeux pour le tourisme et les modalités éventuelles qui pourraient modifier leurs comportements. Il s’agirait ainsi d’influer sur les impacts du tourisme par la demande (touristes) ou par des mobilisations locales (populations). Là aussi l’entrée en matière par le covid servira à légitimer un questionnement sur la santé, préoccupation que les touristes n’évoquent pas de bon gré – les vacances étant un temps où l’on ne veut pas songer à la problématique de la maladie-. Le fait que la santé ait été au centre des préoccupations sur le sujet Covid rejaillit-il sur la santé dans son ensemble ? Par exemple en Guadeloupe les touristes comme les populations peuvent avoir un intérêt commun à une production de bananes biologiques sans chlordécone mais en ont-ils la même conscience et ont-ils les mêmes motivations à payer potentiellement plus cher ce produit ?
  • L’analyse statistique des indicateurs disponibles par exemple sur l’environnement ou la bio-diversité (pollution de l’eau, de l’air, usage de pesticides, …) ainsi que sur la santé (physique et mentale – par exemple à partir d’indicateurs sur la santé au travail et les accidents). Là encore la masse de données produite lors de la crise sanitaire du Covid sera très utile et la question doit être posée de savoir si l’éclairage mis sur le données sanitaires durant la crise (production quotidienne de statistiques) a une continuité dans le temps et s’étend à d’autres champs de la santé hors maladies infectieuses en contexte pandémique. Au besoin nous expérimenterons la production de nos propres indicateurs par enquête pour combler les manques.

Au final les résultats attendus seront l’indentification de points clés à observer et éventuellement à monitorer pour la durabilité des destinations touristiques (quelles données sur les différents déterminants de la santé permettraient par exemple d’anticiper des situations de fragilité sanitaire ? ) ainsi que l’identification de situations ou de pratiques vertueuses versus des situations ou pratiques à risque ou délétères (par exemple l’existence de normes, de dispositifs de prévention, de soutiens associatifs sont souvent considérés comme des points positifs, inversement diverses dérégulations -comme celle du foncier  - sont délétères).

Les outcomes seront académiques (publications, congrès), pédagogiques (les résultats pourront être disséminés dans les enseignements en formations touristiques mais aussi en santé publique) et une attention particulière sera portée à des publications à destination des professionnels du tourismes et de professionnels des collectivités territoriales.

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