Dès le premier confinement en mars 2020, les médias mettent en avant une forte mobilité de certaines populations citadines vers des espaces ruraux ou des petites villes, ils décrivent ainsi une nouvelle tendance de migrations résidentielles issue de la pandémie du Covid-19, décrite aussi parfois comme une « ruée vers l’ouest » (Le Monde 08/01/2023). Plusieurs mouvements démographiques concomitants, portés par les retraités, les cadres supérieurs, les télétravailleurs, expliquent notamment un regain de la périurbanisation, l’attrait pour les littoraux ainsi qu’une subtile et nouvelle hiérarchie des territoires fondée sur des atouts paysagers, de cadre de vie et en matière de services. A l’intérieur des territoires les plus attractifs, ce ne sont pas les grandes villes qui croissent le plus - ainsi le Morbihan a gagné 60 000 habitants entre 2008 et 2022 alors que la population de Vannes restait globalement stable et que les communes de la premières couronnées progressaient très fortement, entrainant un renchérissement des prix de l’immobilier globalement (+51% en cinq au niveau de la région Bretagne) et tout particulièrement dans certains secteurs prisés.
Parfois qualifié de manière schématique « d´exode urbain » (en lien avec l’augmentation des prix de l’immobilier notamment des villes petites et moyennes et dans des espaces ruraux et rétrolittoraux), l´intensité des flux migratoires post-confinement interroge un éventuel effet accélérateur de la pandémie sur les trajectoires de ces territoires en matière d’accueil de nouvelles populations (temporaire ou plus pérenne) liés à de nouvelles pratiques résidentielles et récréatives (bi-résidentialisation, télétravail, nomade du numérique, etc.), posant la question du maintien des populations résidentes.
Dans une conjoncture favorable à l’investissement locatif et spéculatif, du fait du développement des plateformes d’hébergement touristique ces phénomènes viennent bouleverser les équilibres territoriaux et économiques (dépendance à la voiture liée à la dispersion, nouvelles saisonnalités, bulles immobilières, etc.). Dans ce sens, le nombre de logements a doublé en Bretagne depuis 50 ans, à la fois pour les résidences principales mais aussi pour les résidences secondaires.
Les travaux scientifiques commencent à se développer sur ces thèmes qui demeurent encore émergents (Aguilera, 2019; Bouquet, 2019; Piganiol 2021;), tant au niveau national qu’à l’échelle plus locale où il reste difficile de quantifier et d’apprécier les transformations liées aux nouvelles pratiques résidentielles et récréatives post-covid. Les résultats de cette recherche doctorale constitueront par conséquent une avancée intéressante de la connaissance sur ce sujet, exploitable par les collectivités locales et leurs partenaires avec qui il est prévu d’échanger et de collaborer tout au long de la recherche.
Mais peu d’éléments aujourd’hui permettent d’avoir une réelle connaissance des profils et des activités de ces néo-résidents, occupants des résidences secondaires ou semi-temporaires. Autre constat important découlant de cette situation, le processus de gentrification sur le littoral breton engendre des difficultés croissantes au sein des communes littorales bretonnes, notamment pour des jeunes primo-accédants non originaires de ces communes, comme pour les saisonniers ou les jeunes actifs par exemple qui peinent à avoir accès à des logements abordables. Or ces communes sont pour certaines d’entre-elles des centre d’emplois importants, soit saisonniers autour du tourisme, soit toute l’année autour d’activités liées à la mer. Ces territoires, notamment littoraux et ou rétrolittoraux au solde migratoire positif et avec des soldes naturels très largement déficitaires sont ainsi soumis à différents processus sur lesquels les acteurs publics ont plus ou moins de prise (notamment la hausse du prix du foncier – enjeu majeur dans le tri social qu’il induit et qui pose la question des outils dont disposent les territoires pour l’empêcher ou le contrôler), mais aussi au calibrage de l’offre en services publics. En somme de nouveaux équilibres territoriaux sont en train de se dessiner entre revitalisation de certains secteurs (villes moyennes, espace ruraux) et saturation d’autres (littoraux, rétrolittoraux). Autant de questions que la thèse entend aborder sous l’angle de l’aménagement du territoire et de l’action publique locale.