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Des migrations internationales à la fabrique locale des présences étrangères. Enquêtes géographiques sur l'émergence d'un cosmopolitisme de marges
Parce qu’elles s’inscrivent à l’écart des courants dominants de la mondialisation et en dehors des grandes métropoles, les présences étrangères dans les espaces de marge font encore l’objet d’un déficit d’attention de la part de la communauté scientifique et des décideurs politiques. Pourtant, qu’on se projette dans un rapport « centre-périphérie » exprimé à l’échelle des relations Ville-Campagne ou dans un rapport Nord-Sud, de nouvelles mobilités internationales sont à l’œuvre et sont susceptibles de modifier sensiblement l’organisation socio-spatiale et économique des sociétés locales extra-métropolitaines. Inversion de l’orientation des tendances migratoires, émergence de contre-champs mobilitaires, changement des échelles des espaces de vie et des modes d’habiter, attractivité des espaces de marge produisent de nouvelles conditions à la fabrique de lieux caractérisés par une forte diversification sociale et géographique de leur peuplement récent. Après avoir consacré l’essentiel de mes travaux aux interactions entre les migrations internationales et les recompositions métropolitaines, souvent dans le cadre d’une approche quantitative (Volume 2. CV, Production scientifique et recueil de publications), ce texte du volume inédit expose le « tournant » opéré dans ma pratique de recherche et dans les objets scientifiques appréhendés. A partir du récit de deux expériences de terrains menées en France et au Sénégal selon une grille de lecture aux principes communs, je propose de porter un autre regard à la fois global et décentré sur les mobilités internationales. La posture engagée s’appuie sur des apports théoriques et méthodologiques de plusieurs champs d’étude des mobilités spatiales qui peinent encore à se fédérer pour élaborer une théorie générale des mobilités intégrant toutes ses formes et toutes ses échelles de manifestation. Il n’en demeure pas moins que la simple intention de relire la construction des espaces au prisme d’une approche élargie et intégrée des formes de mobilités internationales modifie le regard porté sur les dynamiques socio-spatiales, économiques et politiques qui sont en jeu localement. Ces dernières restent à approfondir dans le cadre de futurs travaux, ce texte propose d’en être une « feuille de route » ou une base de réflexion. Face à la double invisibilité à la fois statistique et sociale des présences étrangères dans les espaces de marge, et face à la segmentation persistante des champs d’étude qui n’autorise pas souvent la rencontre entre ces populations mobiles et étrangères, la géographie peut trouver les moyens d’expression pour mettre la lumière sur ces scènes sociales et ces interactions. La production de deux bandes dessinées publiées en 2019 et en 2023 s’attache à restituer aussi fidèlement que possible les deux expériences de terrain menées en France et au Sénégal, sous une forme nécessairement synthétique, simplifiée et romancée mais accessible à un public élargi. Si on perçoit assez clairement l’utilité d’une telle démarche dans le cadre de la valorisation de travaux scientifiques, elle invite aussi à engager une réflexion distanciée sur la pratique et les missions du chercheur en géographie.