Cet article analyse les transformations du travail et des identités professionnelles dans les services d’archives publiques, transformations largement induites par les mutations de l’objet archives (des archives « papiers » aux archives numérisées et archives électroniques – aussi appelées « nativement numériques »), qui découlent des politiques de « dématérialisation » de l’Etat. A partir d’une enquête par observations et entretiens (n =45) dans plusieurs services d’archives départementales, l’article rend compte de l’organisation et de la division du travail de traitement des archives numériques dans ces administrations publiques. Il explore ensuite le rôle de la recomposition de la chaîne de traitement archivistique sur le groupe professionnel des archivistes, notamment en termes de légitimité et de segmentations professionnelles. Si, pour certains segments d’archivistes, le travail de traitement de l’archive numérique a contribué à alourdir le travail et constitue un pan peu valorisé de l’activité professionnelle, pour d’autres, la prise en charge d’archives électroniques a ouvert de nouveaux espaces d’autonomie et d’expertise dont ils tirent une légitimité les positionnant en haut de la hiérarchie professionnelle. Plan Introduction Le travail d’archiviste à l’épreuve de la numérisation des fonds papier - Un alourdissement du travail - La délégation du « sale boulot » de numérisation Le traitement des archives électroniques : un mandat inégalement approprié - Accompagner la « dématérialisation » des services publics - La division du travail de prise en charge des archives électroniques - Des appropriations inégales du numérique : le poids des socialisations professionnelles La « querelle des anciens et des modernes » rejouée à l’aune de l’archivage numérique - Le document ancien, rêve de l’archiviste - Expertise du document numérique et légitimité professionnelle - Le classement et la communication au cœur d’une profession établie Conclusion

This article analyses the transformations in work and professional identities within public archive services, largely driven by changes in the nature of archive (from ‘paper-based’ archives to scanned and electronic archives - also known as ‘natively digital’), resulting from the ‘dematerialisation’ policies. Based on an investigation combining observations and interviews (n=45) in several departmental archive services, the article describes the organisation and division of digital archive processing work in these French public administrations. It further explores the role of the reconfiguration of the archival processing chain on the archivist professional group, particularly regarding legitimacy and internal segmentations. For some segments of archivists, the task of processing digital archives has added to their workload and represents a less valued aspect of their professional activity. However, for others, handling electronic archives has opened up new areas of autonomy and expertise, providing them with a form of legitimacy that positions them at the top of the professional hierarchy.