Les derniers dépôts de Arthur Ducasse
Pour une analyse qui bouge
Arthur Ducasse. Pour une analyse qui bouge. Des matériaux de terrain aux résultats scientifiques. Enjeux méthodologiques, théoriques et éthiques autour de l'analyse et de l'interprétation, ESO Rennes, Mar 2025, Rennes, France. ⟨hal-04985935⟩
Communes à la plupart des enquêtes ethnographiques, les photographies sont souvent prises aussitôt le ou la chercheur·se débarqué·e sur le terrain. Il ou elle ne sait pas encore à quoi elles serviront. Dans le pire des cas, pense-t-on, ces photos illustreront l’enquête ; au mieux elles dévoileront des dimensions encore inconnues de l’objet qu’on entend saisir. Dans le cadre de mon travail de thèse, j’ai réalisé une enquête sur les mobilités pédestres dans les périphéries populaires de Bogotá (Colombie) et Lima (Pérou) composée d’entretiens semi-directifs, de parcours accompagnés (articulant photographies, traces GPS et enregistrements audios) et d’entretiens de photo-élicitation. Plutôt que de me concentrer sur les paroles recueillies, je m’intéresse dans cette présentation aux matériaux visuels – les photos. Paradoxalement, ces dernières illustrent des lieux-moments a priori figés dans le temps et l’espace, qui peuvent apparaître en décalage avec la mobilité des pratiques étudiées. Or, on peut tout autant analyser ces matériaux comme des « objets » mobiles dont l’itinéraire au cours de la recherche est propre. Ces itinéraires coïncident avec des parcours d’analyse, qui traduisent des mouvements souvent hésitants et incertains vers des compréhensions plus fines et nuancées des pratiques étudiées. Dans cette contribution reprenant les réflexions des études en ethnographie visuelle , je propose de développer trois itinéraires de matériaux visuels, correspondant à trois parcours d’analyse différents. En ce sens, celle-ci suit essentiellement l’axe 1 du présent appel. 1. Le premier itinéraire concerne les premières photos d’enquête. Certaines d’entre elles illustrent des objets et des espaces du quotidien, dont l’intérêt s’est avéré crucial en fin d’enquête, pour libérer la parole des enquêté·es au sujet de leur mobilité quotidienne. Les photos développées, matériaux devenus matériels, sont devenues des outils de caractérisation des environnements et des ambiances de la marche agréable, débattus lors d’ateliers de photo-élicitation réalisés avec plusieurs enquêté·es au printemps 2024. 2. Le second itinéraire a trait au travail de restitution réalisé dans le quartier populaire de José Carlos Mariátegui au sud de Lima . En coordination avec plusieurs associations, quelques photographies prises à l’occasion de parcours accompagnés dans la zone ont été imprimées en grand format afin d’organiser une petite exposition sur la marche quotidienne dans le quartier. Il s’agissait notamment de fournir des clés de compréhension de cette problématique aux associations afin qu’elles puissent argumenter auprès des autorités locales sur les besoins en infrastructures de mobilité. 3. Enfin, le dernier itinéraire correspond à l’intégration des photographies dans le processus d’écriture de la connaissance. Je présenterai des formes d’écriture mobile et visuelle inspirées de la méthode EMCA permettant d’analyser et raconter les expériences sensibles de la marche dans les métropoles andines, en adoptant une perspective de justice mobilitaire .