Cette thèse introduit l’espace documentaire scolaire comme objet de recherche en géographie de l’éducation, avec comme intérêt la dimension spatiale de la construction d’un pouvoir d’agir.

En effet, les inégalités éducatives françaises demeurent rarement questionnées, à notre connaissance, dans leur rapport à l’utilisation du centre de documentation et d’information, plus largement les environnement sociaux de lecture et leur appropriation par les enfants, adolescents et la communauté éducative.  Des études, principalement anglo-saxonnes et scandinaves, discernent un lien positif entre la mobilisation de cet espace comme lieu de bien-être, safe place (Atwell, 2017 ; Merga, 2020) et l’accessibilité à des ressources documentaires adaptées. Il convient cependant d’interroger de façon plus fine la relation entre ces deux items et celui de l’intégration sociale en vue du développement de la littératie, capabilité majeure du citoyen du 21e siècle.

En terme de questionnement de recherche spécifiques à cette étude, une double préoccupation la traverse : dans un environnement architectural, matériel et humain contraint, quels bricolages de l’espace ou géostratégies peuvent permettre au professeur documentaliste de développer un pouvoir d'agir ? Les réalités de ce travail peuvent-elles révéler des pratiques et vécus professionnels apparentés aux métiers du soin, en éducation ? A partir du constat de Rui Canario (Canario, 1987), mis en perspective des études de Laurence Bergugnat (Bergugnat, 2003 ; Bergugnat et Rascles, 2008) et l’apport de l’épistémologie féministe (Hook, 2019, Moss, 2021), nous réalisons une auto ethnographie de notre vécu du travail. Elle s’articule à une recherche-action participative dont le cadre emprunte aux fondements de la pédagogie documentaire (Dewey, 1899), à l ‘approche par les capabilités (Sen, 2000, Nussbaum, 2012) en éducation (Saito, 2003 ; Fernagu, 2018), couplés à l’éthique et travail du care (Tronto, 2009, Molinier, 2014) et aux réfléxions pionnières de praticiennes (Michet, 2018 ; Carbillet et Mulot, 2019), pour un CDI capacitant.

Nous tentons de comprendre en quoi les effets de l’évolution de l’organisation des ressources documentaires peut avoir un impact sur les apprentissages littératiques des adolescents, l’émulation des pratiques coopératives, la structuration de l’espace physique initial du CDI, à visée de bien-être et d’inclusion. Nous nous appuyons pour ce faire sur l’apport conceptuel de Dimitri Germanos à partir d’une approche interactionniste enfant-environnement, et des intérêts pour les espaces scolaires (Frouillou, 2011 ; Chevalier, Leninger-Frezal et Hardouin, 2020) et la dimension spatiale de problématiques éducatives (Dugas, 2017 et 2020 ).

D’un point de vue épistémologique, en se demandant en quoi l’espace peut-il être vécu comme ‘’praxis libératrice’’ (Freire, 1974) par la reconfiguration des pratiques individuelles et collectives, ce travail propose de contribuer à la création d’un chemin théorique pour une géographie du soin en éducation et d'une future égogéographie (Calbérac, Volvey, 2014 ; Levy, 1995) de la professeur documentaliste géographe.