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Les supporters de football et la marchandisation. Ou les usages du passé supportériste dans le présent footballistique
Comme le rappelle Stéphane Latté (2015, « Le choix des larmes. La commémoration comme mode de protestation », Politix, p. 10), « marches silencieuses, veillées commémoratives, inaugurations de stèles, cérémonies autour d’un mémorial, messes anniversaires, fleurissements publics de sépulcres, dévoilements de plaque, minutes de silence, hommages officiels, journées nationales ou internationales du souvenir, etc. (Ce sont là) autant de démonstrations publiques d’affliction qui parcourent l’ordinaire de la vie associative et syndicale ». Constatant l’existence de tels procédés dans les rangs des supporters du PSG à la fin des années 2000, il relève que « les supports ordinaires du deuil (crêpes noirs, gerbes portées en tête de cortège, recueillement genoux à terre, oraison prononcée par les parents endeuillés) se fondent (...) dans la culture du supporteurisme : hommages inscrits sur des tifos dans les stades, drapeaux et étendards repliés en signe de tristesse, fumigènes substitués aux bougies dans les moments de recueillement, minute de silence qui se prolonge toute la durée d’un match ». Autour de l’Olympique de Marseille, ces pratiques se sont développées à la même période et ont gagné en ampleur dans les années 2010 et 2020. Des hommages appuyés ont ainsi été organisés pour honorer plusieurs personnalités des tribunes. Affichage du portrait du défunt sur les écrans géants du stade, port d’un t-shirt par les joueurs lors de l’échauffement, dépôt de fleurs au pied du virage, minute de silence, mentions sur les supports de communication... Les associations supportéristes entendent prendre leur part à la définition des individualités ayant le droit aux honneurs du club. De toutes les figures du stade, c’est toutefois celle de Patrice De Peretti, dit « Depé », qui fait l’objet des célébrations les plus importantes et régulières. Mort à l’âge de 28 ans en 2000, ce leader des South Winners puis fondateur des Marseille Trop Puissant – deux groupes empruntant au style ultra – a été érigé en symbole du supportérisme marseillais. S’appuyant sur une enquête qualitative de longue durée, cette communication entend examiner le contraste entre les transformations, souvent rapides, qui se sont opérées dans l’environnement des supporters et le travail que ces derniers mènent pour établir une continuité entre le passé et le présent. En ce sens, la construction de Depé en icône est reliée à la question du changement social. Elle illustre une tendance « défensive » traversant le supportérisme contemporain dont l’un des registres est celui de la déploration du présent à l’aune du passé et de la dénonciation de l’argent corrupteur.
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