La gestion des déchets constitue l’une des missions essentielles des autorités publiques locales, telles que conçues dans la plupart des pays du monde. Pour autant, cette affirmation est de plus en plus à nuancer car, gérer les déchets relève aujourd’hui de modalités multiples, réalisées sous forme d’hybridation du service public, des pratiques habitantes, d’activités économiques formelles ou informelles, où les acteurs publics sont davantage animateurs qu'opérateurs. Ce constat est analysé sous l’angle de différents régimes rudologiques, à travers l’histoire et à travers le monde, observant une gestion des déchets toujours plus « coproduite », sous l’effet d’enjeux environnementaux plus poussés, de contraintes socio-économiques prégnantes, mais aussi d’un rapport à la matière en pleine évolution. Le rapport aux détritus est à nouveau valorisé après avoir été honnis pendant tout le 20èmesiècle.
Cette démonstration s’appuie sur des études de cas multiples, réalisées en Amérique Latine, en Europe, en Afrique et en Asie. Si le cas français est particulièrement exploité, une approche croisée avec plusieurs territoires à travers le monde permet de mettre en avant des dynamiques souvent similaires. La réalité de chaque pays, de chaque ville, de chaque quartier est évidemment très différente, avec des autorités publiques locales plus ou moins solides, des moyens financiers plus ou moins importants, un rapport à la matière détritique plus ou moins distant. On retrouve toutefois partout le retour d’un regard qui n’est plus uniquement négatif sur les déchets, leur conférant une valeur environnementale, sans toutefois négliger la très grande précarité et insalubrité de certaines situations. Des acteurs nouveaux font aujourd’hui pleinement partie du service de gestion des déchets, depuis les habitants eux-mêmes, les éco-organismes et les entreprises en France et en Europe, jusqu’aux récupérateurs ou précollecteurs informels (parfois formalisés) dans les pays des Suds.
L’ensemble des situations analysées indique en quoi le régime rudologique est le résultat d’une coproduction collective et en quoi « l’ordre public rudologique » se voit également modifié. Cette observation, s’appuyant sur dix-sept ans de recherches géographiques, est confrontée à la planification territoriale, aux situations de crises et de catastrophes ou encore à la persistance des inégalités environnementales et écologiques afin d’en relativiser les effets. Il s’agit dans tous les cas d’avoir une approche internationale de rudologie, de géographie et d’aménagement du territoire, permettant de considérer les déchets comme partie prenante d’un continuum humain/matière, expression d’une évolution de la matérialité des territoires et des sociétés