Du au [xx-xx-xxxx]
Discipline : Sociologie
Affiliation : Université Rennes 2
Financement : CIFRE
Voir sur theses.fr : https://theses.fr/s217147

Pendant plusieurs siècles, les activités agricoles à vocation commerciale et/ou de subsistance ont contribué à structurer l’organisation de l’espace et la vie sociale des communautés des seize îles de l’Ouest français. Puis, au XXème siècle, ces activités y connaissent un long déclin spatial et démographique. Toutefois, depuis une vingtaine d’années et à rebours des tendances nationales, nous assistons à la stabilisation, voire à l’augmentation, de la démographie et de la superficie agricoles dans ces îles. Malgré une hétérogénéité des situations d’insularité, ces territoires disposent de caractéristiques socio-spatiales récurrentes : une relative marginalité vis-à-vis-des centralités continentales, une économie dominée par le tourisme, un marché immobilier tendu, une population vieillissante, une réglementation environnementale dense, une rupture modale (transport maritime) pour treize d’entre elles, etc. Cette thèse documente les particularités que peuvent donner ces configurations socio-spatiales insulaires aux mutations des mondes agricoles contemporains déjà amplement documentées à l’échelle nationale ou dans d’autres espaces ruraux localisés.

Pour ce faire, cette recherche s’inscrit dans le champ de la sociologie rurale, à la fois attentive à une polarisation de plus en plus marquée des mondes agricoles et des systèmes d’exploitation, et aux déclinaisons territoriales de cette polarisation, à l’aune des rapports de domination qui structurent les espaces sociaux localisés. D’autre part, pour mieux saisir les effets des configurations socio-spatiales étudiées, cette thèse s’appuie sur les notions d’insularité et d’iléité mobilisées dans les études francophones dédiées aux milieux insulaires, principalement en géographie culturelle. Enfin, l’outillage conceptuel de la sociologie des professions issu des travaux des Ecoles de Chicago et de son appropriation plus récente en France, en particulier la proposition conceptuelle des écologies liées d’Andrew Abbott, est aussi mobilisé. Cet apport vient soutenir une analyse fine et processuelle des transformations des groupes professionnels agricoles insulaires au regard de leur histoire longue et au prisme des alliances, des conflits et des effets de contingence qui ont conditionnés leurs trajectoires récentes.

Dans un premier temps, la thèse dresse de manière systémique le panorama des activités agricoles insulaires et une esquisse des dynamiques sociales des groupes et segments professionnels qui les conduisent. Une typologie des îles sous l’angle de l’organisation sociale et économique de leur agriculture est ainsi formalisée : les îles « filières », les îles « circuits-courts » et les îles « mixtes ». Puis, à partir de quatre études de cas ethnographiques, l’analyse des mutations récentes de ces groupes et segments professionnels met en lumière à la fois les contraintes structurelles auxquelles ils font face et leurs (inter)dépendances à d’autres entités sociales qui les façonnent localement et/ou à distance : les mobilisations citoyennes en soutien ou en opposition, les collectivités territoriales, les acteurs de la conservation de la nature, les services de l’État et les organismes d’encadrement de la profession agricole.

Les résultats de cette thèse contribuent d’abord à préciser l’hétérogénéité des groupes professionnels agricoles insulaires contemporains, puis à caractériser l’engouement politique et social pour le maintien et le développement de certaines de leurs activités. En effet, les attentes en matière de multifonctionnalité de l’agriculture et l’institutionnalisation de l’enjeu de relocalisation alimentaire à l’échelle nationale, tout comme le renouvellement des modes d’habiter les îles et de leur mise en tourisme, concourent à relégitimer la présence d’agriculteurs dans ces territoires.

Nous démontrons ensuite que les agriculteurs sont alors contraints de répondre à de nombreuses fonctions complémentaires, voire substitutives, au mandat de production de matières premières alimentaires, leur assignant ainsi une quasi mission de service public au service de la dynamique territoriale. De plus, les difficultés structurelles à maîtriser les moyens de production (foncier, bâti, transport maritime le cas échéant), dont l’accessibilité dépend de l’implication des pouvoirs publics et d’arrangements locaux, fragilisent leur autonomie professionnelle.

Par ailleurs, la quasi absence d’intermédiation des organisations professionnelles agricoles, le poids de l’interconnaissance, l’hétérogénéité sociale et la proximité spatiale des protagonistes façonnent les rapports de force locaux. Les ressorts de l’autonomie des agriculteurs et de la pérennité de leurs activités dépendent alors du poids socio-économique et symbolique de leur segment dans l’espace social localisé, inféodé aux capitaux économique, social, culturel et d’autochtonie dont les agriculteurs et les prétendants au métier disposent. Ces ressorts dépendent également de leur capacité à se fédérer collectivement, par des alliances ou en opposition à d’autres groupes sociaux influents localement.

Enfin, cette thèse est une contribution à penser les îles comme des « espaces de condensation » au regard de leurs dynamiques sociales singulières, à la fois exacerbées et anticipatrices de reconfigurations en cours et à venir dans d’autres espaces ruraux ou périurbains en tension.


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