Du tourisme médical à la mise en place d’un espace de soins transnational. L’exemple des patients libyens à Sfax (Tunisie)
Betty Rouland, Mounir Jarraya, Sébastien Fleuret. Du tourisme médical à la mise en place d’un espace de soins transnational. L’exemple des patients libyens à Sfax (Tunisie). Revue francophone sur la santé et les territoires, 2016, ⟨10.4000/rfst.651⟩. ⟨hal-04276560⟩
Cet article s’intéresse au triptyque « santé-tourisme-territoire » en examinant conjointement les logiques du développement des services sanitaires privés dans la ville tunisienne de Sfax et les modes de recours aux soins des patients libyens depuis la révolution arabe de 2011. Phénomène fondé sur des logiques de voisinage (réouverture de la frontière, libre circulation, suppression des visas, etc.) qui débuta dans les années 1990, le tourisme médical manifeste un fort dynamisme sur le paysage urbain sfaxien depuis 2011 et cela en dépit de l’instabilité géopolitique régionale. Sujet encore peu étudié, la méthodologie exploratoire proposée combine une enquête qualitative conduite auprès des patients libyens (n=205) dans quatre cliniques privées de la ville ainsi que des entretiens semi-directifs menés auprès des professionnels de santé. D’un côté, le chaos en Libye ainsi que la proximité géographique de Sfax poussent les professionnels du (para)médical à investir dans ce secteur considérant le « marché libyen » instable mais porteur. D’un autre côté, les résultats indiquent l’augmentation et la diversification des profils des patients (réseaux, ressources, besoins). Le conflit en Libye accroît en effet la vulnérabilité des populations vis-à-vis de l’accès aux soins. Les reconfigurations spatiales locales en termes d’aménagements (à caractère médical, résidentiel, commercial) et régionales en termes de circulations (patients, transports, systèmes assurantiels, etc.) expriment l’émergence d’un espace de soins transnational. Le contexte géopolitique ainsi que l’appauvrissement des patients libyens nous amène à reconsidérer le tourisme médical au profit de nouvelles formes de mobilités à caractère « médicales » et interroge la durabilité du secteur d’activité à Sfax.