Aller-vers et mobiliser les publics (très) éloignés de l’emploi
Aurélien Martineau. Aller-vers et mobiliser les publics (très) éloignés de l’emploi. Colloque Internationale : Aller vers les personnes en grande précarité : expériences et perspectives en France et à l’étranger., CITERES UMR 7324 - Université de Tours, Jun 2023, Tours, France. ⟨hal-05026920⟩
Cette communication découle de notre participation l’expérimentation « La Locomotive », dans lequel notre équipe universitaire réalisons la mesure de l’impact du projet. Celui-ci est lauréat du Plan d’Investissement dans les Compétences PIC 100% mis en œuvre par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. L’expérimentation se déploie depuis 2020 sur 4 territoires français (nommés « gares ») : 2 dans le Bas-Rhin et 2 en Maine-et-Loire. Le projet vise à construire et expérimenter des parcours d’accompagnement « sans couture » auprès des personnes (très) éloignées de l’emploi. Ces parcours sont élaborés et mis en œuvre dans les territoires par des consortiums de structures (N=33) regroupant des acteurs appartenant à deux grands champs : celui de l’emploi-insertion et celui de l’animation sociale territorialisée. Les personnes accompagnées ont été associées à la construction de ces parcours d’accompagnement. Pour les professionnels impliqués, le projet consiste à faire « un pas de côté » par rapport à leur pratique habituelle, afin d’épargner aux personnes accompagnées les ruptures, recommencements, transferts d’un accompagnant à un autre et de leur proposer un accompagnement prenant en compte l’ensemble de leurs difficultés et aspirations sur le plan social et professionnel. La communication se structure autour de la présentation des principaux résultats de la mesure d’impact, centrés sur les effets de la démarche d’aller-vers et de (re)mobilisation des publics dans le cadre du projet. Les éléments d’analyse proposés sont le résultat d’une démarche d’enquête par entretiens semi-directifs (N=74) auprès des intervenants et personnes accompagnées et la mise en œuvre d’une démarche d’observation participante lors des temps de réunions et d’activités du projet. Les principaux résultats : L’aller-vers et la mobilisation des publics ciblés constituent un des objectifs centraux du projet qui a pour objectif l’accompagnement de 2 000 personnes au sein des quatre territoires (de 2021 à 2023). L’accompagnement se présente comme un accompagnement « différent » et est à destination de personnes non captées par les dispositifs ordinaires ou n’y recourant plus. Cet aller-vers s’exerce ainsi lors d’une phase dite de « captation ». Si pour certains acteurs professionnels (ceux de l’animation), l’aller-vers représente une démarche usuelle, ce n’est pas le cas pour tous. Il a donc été nécessaire de définir qui met en œuvre l’aller vers, mais aussi comment entrer en relation et accompagner des personnes n’arrivant pas forcément par les canaux de prescription habituels. De plus, la Locomotive s’apparente davantage à une reconfiguration des façons de faire, collectivement, sur un territoire, qu’à un dispositif stricto sensu ; cette logique n’est donc pas évidente à transmettre et promouvoir (auprès des habitants et structures). Les résultats d’analyse met en exergue les effets pluriels de la centration de la démarche sur l’aller-vers : effet d’accélération et d’apaisement des parcours, constitution de collectifs d’acteurs dotés d’une meilleure interconnaissance, mais aussi remise en question de pratiques, de réflexes et de positions professionnelles préalables. L’étude de la localisation des « voyageurs » (lieu de résidence) nous conduit à interroger les effets de la spatialisation de l’aller-vers : tant vis-à-vis des choix de mise en œuvre de celui-ci, que dans certains cas un risque de sur-sollicitation des personnes précaires par des dispositifs allant-vers (exemples des quartiers prioritaires ou pour le public « jeunes »). La dimension expérimentale du projet implique des tâtonnements, itérations et difficultés, et se traduit par le recours à des professionnels contractuels. Se pose alors la question de la capitalisation à long terme des apports de l’expérience, et singulièrement ici de l’allée-vers dans un travail ordinaire, sans les moyens exceptionnels alloués à l’expérimentation. Les effets du recours de plus en plus fréquent au levier expérimental par les décideurs et en particulier l’État seront interrogés, notamment vis-à-vis des relations entre les acteurs de l’expérimentation et les institutions traditionnellement en charge de l’accompagnement de ces publics.