- Jean-François Thémines
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Constituer l’espace géographique en ressource d’émancipation : l’engagement de chercheurs en géographie sociale
Jean-François Thémines. Constituer l’espace géographique en ressource d’émancipation : l’engagement de chercheurs en géographie sociale. Coordination : Richard Wittorski et Patrick Obertelli. Editions Champ Social. Comment (mieux) faire société ? Recherches en sciences humaines et sociales, p. 50-64, 2022, 9791034607228. ⟨10.3917/chaso.obert.2022.01⟩. ⟨halshs-04046325⟩
L’une des dynamiques majeures dans le monde tel que la géographie l’étudie, est sa métropolisation, inséparable d’une mondialisation dominée par le mode de production capitaliste. Concentrant les populations, les richesses et les pouvoirs dans les villes les plus grandes, elle alimente des formes intra-urbaines de ségrégation et de fragmentation. Modifiant l’ancrage local, régional et national des villes, elle produit également de profondes mutations autour de celles-ci, hiérarchisant les espaces, induisant des politiques publiques inégalement profitables aux divers groupes sociaux et territoires.
Aussi, plutôt que de se centrer sur telle forme d’espace (urbain, périurbain, rural, etc.), parce qu’il serait le lieu par excellence d’une vie sociale séparée et/ou d’une mobilisation contre ce modèle de l’entre soi réalisé par les uns versus la relégation subie par les autres, ce chapitre choisit des « espaces de l’entre-deux » (Le Gall et Rougé, 2014). Conçus comme des espaces où il se passe quelque chose de l’ordre d’une transition, d’un passage, où le rapport à la norme est particulier (décalage, dérogation, hors-norme, etc.), où la création est possible, voire recherchée (ibid.), ils se rattachent topographiquement à des situations diverses.
Je prendrai des exemples de travaux réalisés auprès de « migrants » dans ou hors de camps par lesquels ils passent quelque part entre métropoles du Nord et métropoles du Sud ; ou auprès de populations rurales défavorablement saisies à partir de cadres de référence urbains. Mais d’autres exemples situés dans des mégapoles ou des villes moyennes seraient possibles : espaces d’habitat informel rural ou urbain, bourgs en revitalisation, lieux d’expérimentations culturelles, « zones à défendre », etc. Contribuer à développer ou renforcer les liens sociaux ou les retisser là où ils sont mis à mal, à créer des solidarités et « faire société ».
A cette formule considérée comme un objectif premier du travail des chercheurs en sciences sociales, peuvent être rattachés de nombreux travaux en géographie sociale et, plus largement, dans les géographies critiques (Morange et Calberac, 2012). Même si les débats sont vifs entre tenants de telle approche, de telle théorie, il existe aujourd’hui une nébuleuse de chercheurs (Morange et Calberac, 2012 ; Clerval et al., 2015 ; Bonny, Bautès et Gouëset, 2017 ; Gardin, Morelle et Ripoll, 2017 ; ESO et JEDI, 2019 ; Pailloux et Ripoll, 2019) pour lesquels, parce que l’espace des sociétés est leur objet de recherche, il est aussi et d’abord pour eux, par choix d’un engagement, un terrain d’action et un enjeu de transformation sociale.