Depuis une quarantaine d’années, des lycéen·nes, en France comme au Québec, réalisent leur scolarité dans des classes ou des établissements publics qui proposent des pédagogies alternatives. Considérant ces établissements comme des espaces d’innovation pour répondre aux problèmes d’inégalités sociales et d’inclusion rencontrés par le système scolaire traditionnel, nous nous sommes attachées à comprendre l’arrivée et l’expérience des élèves dans trois lycées français et deux lycées québécois, en se plaçant de leur point de vue, avec leur subjectivité, et ce en mobilisant la théorie de l’expérience de Dubet couplée à une approche intersectionnelle. Ces enquêtés ont intégré l’alternatif après une désaffiliation dans l’enseignement traditionnel, désaffiliation liée au fait qu’ils ne répondaient pas aux attentes normatives de genre, de corporalité, de classe, de race dans leur(s) précédent(s) établissement(s). Des contrastes saisissants se dessinent dans les parcours scolaires des participant·es selon leur condition sociale d’existence, leur genre, leur sexualité, leur corporalité, leur race, leur santé gommant l’importance des contextes nationaux et sont déterminantes pour la suite de leur parcours. Ces établissements fonctionnant de façon plus démocratique et moins normative, les jeunes apprennent à y agir sur eux-mêmes, sur leur lycée, sur la société, et ce à partir de leurs socialisations familiale, juvénile, scolaire et politique. Et même si les effectifs restent faibles, étudier les parcours et les expériences des élèves à partir de cette marge du système scolaire que constitue les lycées alternatifs éclaire son centre, révèle ses mécanismes de désaffiliation découlant des écarts à la norme.
For the past forty years, secondary school students in France and Quebec have been attending public secondary classes or institutions offering alternative pedagogies. Framing these institutions as spaces for innovation aimed at addressing issues of social inequality and inclusion faced by the traditional school system, this research seeks to understand the students' enrolment in and experience of alternative secondary schools, three in France and two in Quebec. We based our analysis on students’ perspective and subjectivity and used Dubet's theory of experience coupled with an intersectional approach. These students transitioned to alternative education after experiencing a form of disengagement from traditional schooling, where they did not meet normative expectations of gender, body image, class, and race. Striking contrasts emerge among participants. Their social background, gender, sexuality, body image, health, and race diminish the significance of national contexts and are critical in determining their future trajectories. Operating in a more democratic and less normative manner, these institutions allow young people to work on themselves and actively participate in their school and wider society, drawing from their familial, peer, school, and political socialisations. Although student numbers remain small, studying the trajectories and experiences of students from the margin of the educational system—represented by alternative high schools—sheds light on the centre, revealing the mechanisms of disaffiliation that result from deviations from the norm. For the students surveyed, alternative education enabled a form of school re-engagement.