Depuis plusieurs décennies, le Liban est marqué par de fortes tensions socio-économiques et politiques qui ne tendent qu’à se renforcer dans un contexte de graves dysfonctionnements politiques et économiques, désormais structurels. Le déficit de régulation des instances étatiques a conduit à laisser la gestion des problèmes sociaux à des initiatives privées, souvent dans l’informalité, sans qu'aucune stratégie globale n’encadre de tels efforts. Pour les habitants les plus vulnérables des zones défavorisées, cette situation, qui s'inscrit dans ce qui a été qualifié de pire crise économique de l'histoire du Liban, a aggravé des conditions de vie déjà désastreuses. Le pays est largement urbain, avec des densités de population importantes dans chacune des régions. Si les infrastructures sont au mieux fragiles dans l'ensemble du pays, cette fragilité augmente dans les régions situées en dehors des grandes villes (Beyrouth, Tripoli, Zahlé), plus encore dans les communeshistoriquement agricoles et frontalières dans les régions de la Bekaa et d’Akkar. Les bassins des rivières Ousteouane (Akkar) et Ghzayyel (Bekaa), par leur situation frontalière et éloignée des villes principales, comptent parmi les lieux de conflits inter-communautaires. Ils présentent des situations particulièrement éclairantes pour mettre en évidence de manière combinée les enjeux inhérents à la vulnérabilité environnementale et ceux qui concernent la cohabitation entre populations libanaises et migrantes syriennes, d’obédiences religieuses souvent différentes. Dans cette double perspective, l’étude des risques environnementaux qui menacent les deux bassins peut constituer un point d'entrée pour étudier les facteurs sociaux, économiques et politiques qui caractérisent cette cohabitation difficile.

For several decades now, Lebanon has been marked by strong socio-economic and political tensions, which are only tending to intensify in a context of serious political and economic dysfunction that is now structural. The lack of regulation by state bodies has left the management of social problems to private initiatives, often in the informal sector, with no overall strategy to guide such efforts. For the most vulnerable inhabitants of disadvantaged areas, this situation, which is part of what has been described as the worst economic crisis in Lebanon's history, has exacerbated living conditions that were already often disastrous. The country is largely urban, with high population densities in every region. While infrastructures are fragile at best throughout the country, this fragility increases exponentially in the regions outside the major cities (Beirut, Tripoli, Zahlé), and even more so in the municipalities that are historically largely agricultural and border areas in the Bekaa and Akkar regions. The Ousteouane (Akkar) and Ghzayyel (Bekaa) river basins, by virtue of their border location and distance from the main towns, are among the sites of inter-community conflict, and are particularly enlightening sites for highlighting the combined issues inherent in cohabitation between Lebanese populations and Syrian migrants, often of different religious persuasions, combined with environmental vulnerability. In this dual perspective, the study of the environmental risks threatening the two basins can provide an entry point for studying the social, economic and political factors characterizing this difficult cohabitation.