« Prendre le train en marche », « sans crier gare ». Comment l’héritage ferroviaire contribue-t-il à faire territoire ? Arrêts à Montpellier et Rennes en 2025
Laurent Viala, Régis Keerle. « Prendre le train en marche », « sans crier gare ». Comment l’héritage ferroviaire contribue-t-il à faire territoire ? Arrêts à Montpellier et Rennes en 2025. Trains en ville. Héritages ferroviaires et projets urbains (XIXe-XXIe siècles), Bordeaux métropole, Oct 2025, Bordeaux, France. ⟨halshs-05321802⟩
Cette communication se donne pour objectif de révéler une partie du sens qui peut surgir de la rencontre entre patrimoine ferroviaire (hérité ou de création récente), développement métropolitain (selon les analyses en prise au phénomène de métropolisation ou en voie de rédemption territoriale) et équité territoriale qui reste un principe supérieur dans notre approche qui mêle géographie urbaine critique, urbanisme, aménagement, histoire urbaine. La question du développement métropolitain est ici réduite aux enjeux de déplacement, à la part prise par les transports collectifs dans ces déplacements et leur organisation, et précisément selon une focale fixant la place accordée au train (plus largement le rail) et à ses infrastructures ; en l’occurrence, l’idée de gares en villes, tant dans la réalité de ses manifestations concrètes (les gares et bâtiments assimilés, voies, notamment) que sur le plan des imaginaires convoqués (voyage, départ/arrivée, entrée de ville, ambiances hors du temps, etc.). L’approche patrimoniale rappelle le choix d’une lecture diachronique ainsi que la préoccupation d’une bonne correspondance entre ce qui a fait un territoire, son identité, et notre capacité à lui offrir un horizon nouveau, soit ce que n’a pas toujours pu garantir le développement métropolitain. Les enjeux d’équité territoriale viennent pointer la nécessité de ne pas strictement jouer la carte du bon raccordement, de la bonne desserte, de la bonne accessibilité à l’hypercentre métropolitain, mais de veiller également à la construction d’un modèle de développement non figé, créateur d’opportunités d’aménagement et de projets se jouant des schémas établis bien souvent métro-centrés. Comment les dynamiques métropolitaines actuelles engagent-elles la réorientation de l’héritage ferroviaire dans les démarches de projet urbain et territorial (deux échelles) ? Dans quelle mesure, les options retenues (reconversion fonctionnelle, valorisation patrimoniale, invention, etc.) parviennent-elles à garantir une perspective durable ? Au-delà de l’offre de transport décarbonée, encourageant la transition écologique des territoires, comment cette durabilité se joue-t-elle sur le plan territorial ? Sert-elle strictement les logiques encore à l’œuvre de la métropolisation (concentration au centre) ou bien aide-t-elle à inventer des mondes autres ? L’hypothèse de travail fait de la mise en place des services express régionaux métropolitains (SERM) une opportunité de contribution à la mise en cohérence territoriale des dynamiques métropolitaines. Cela serait imaginé à partir de deux lectures :
- La mutation et/ou l’institution de lieux de mobilité/d’accueil (les gares et assimilés) dans la dynamique de projet architectural et urbain : l’inspiration métropolitaine s’impose-t-elle en ces lieux ? ou bien ces lieux sont-ils source de réinvention ?
- La capacité d’intégration territoriale de ces lieux dans les démarches de projet urbain et de territoire : à l’échelle de l’agglomération voire du grand territoire, les formes prises par le ferroviaire sont-elles synonymes de renouveau ou bien se mettent-elles au service de l’existant ?
Dans son approche d’ensemble, notre recherche ambitionne l’exploration au travers de deux situations a priori assez tranchées du moins si l’on considère les choix qui se sont imposés quant à l’articulation entre l’échelle régionale et l’échelle métropolitaine. D’une part, Rennes, initialement point de référence, trouvera sa place dans un SERM régional à l’échelle de la Bretagne (BreizhGo Express Sud), tandis qu’à Montpellier, d’autre part, le même SERM disposera d’une expression toute métropolitaine et toute montpelliéraine. Si les territoires d’appartenance, leurs natures et configurations (géographiques, politiques, etc.), expliquent les voies retenues, est-ce que ce qui va se mettre en place interroge différemment le territoire et ses dynamiques, mais également le patrimoine ferroviaire notamment dans sa possible mobilisation au service desdits territoires ? Ici et là, quel est le niveau et la nature de l’influence de la conception des SERM ? Jouent-ils la carte d’ores et déjà contestée de l’attractivité à tout prix, de la concentration, des traitements indifférenciés, ou bien parviennent-ils à valoriser ce qui fait patrimoine, singularité, opportunité pour un monde renouvelé ? Autrement dit, jouer une nouvelle modernité qui n’aurait pas à périr prématurément sous les coups par trop francs d’une modernisation vendue comme de première importance, car ne pouvant plus attendre, ou d’un modernisme sans âme s’auto-légitimant. Notre proposition de communication prend sens dans ce cadre ambitieux. En trois points, elle présente le résultat intermédiaire des premières investigations :
- La faible valorisation d’un héritage ferroviaire modeste. Le premier point rend compte de la situation ferroviaire montpelliéraine au prisme de la lecture patrimoniale (gares historiques, postes d'aiguillage, dépôts, ateliers, maison garde barrière, voies, matériel roulant, etc.) nourrie d’histoire urbaine (quartier de gare) et (re)contextualisée (développement métropolitain, projets urbains, gare TGV). À mi-chemin de la synthèse monographique focalisée sur Montpellier puis ouverte au territoire, et d’un enjeu de problématisation (héritages ferroviaires et projets urbains), ce premier temps bénéficie de la lecture critique de la dernière publication en date relative au cas montpelliérain (Brun, Chapelon [et al.], 2024).
- Le manque de transversalité dans un schéma linéaire. Le deuxième point prolonge la réflexion en considérant l’articulation des échelles urbaine et interurbaine ou régionale transportant chacune un modèle de développement. À l’échelle urbaine, celle de l’agglomération de Montpellier, le parti adopté cale l’urbanisation sur les principaux axes du réseau de transport en commun (tramway). Mais cela vaut principalement pour la commune de Montpellier. Ailleurs, l’urbanisation était déjà engagée. Au mieux des projets urbains sont développés aux terminus des lignes. À l’échelle interurbaine, la logique est sensiblement la même à ceci près que sur le plan historique elle n’est pas motivée de la même façon. Le couloir languedocien dans lequel se sont naturellement installées depuis toujours (voie Domitienne) les grandes voies de communication (autoroute, TGV) a encouragé sans anticipation et sans grand contrôle ensuite un développement urbain problématique. L’arrivée en train offre aux passagers des vues pas toujours avenantes.
- La nécessité de renouer avec une épaisseur territoriale. Le troisième point considère l’apport de l’héritage ferroviaire au développement urbain futur dans l’interconnexion des échelles. La question du SERM est ainsi posée afin de ne pas l’enfermer dans ses logiques propres de gestion des déplacements à l’échelle du grand territoire, mais au contraire de l’ouvrir à des enjeux proprement territoriaux se saisissant de façon plus complète des questions de l’habiter. En contrepoint, le cas de Rennes accompagne la lecture critique de la situation montpelliéraine.
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