Isabelle Garat
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À partir du terrain singulier des copropriétés inscrites dans le tissu des villes de la Reconstruction qui composent les centres de différentes villes françaises, cette recherche s’intéresse aux copropriétés comme « objet urbain ».
Diverses caractéristiques du patrimoine des centres-villes de Saint-Nazaire, Brest et Lorient en font un terrain de choix pour développer de nouvelles perspectives de recherche en entrant « par les copropriétés ». Ces territoires sont constitués d’ensembles d’habitat collectif d’échelle petite à moyenne qui offrent des qualités reconnues par leurs habitants, en contrepied d’une mauvaise presse auprès du grand public. Il faut toutefois savoir composer avec les caractéristiques techniques de ce patrimoine et leur caractère souvent autogéré (syndics bénévoles ou absence de syndic). Sans être des copropriétés en difficulté, et loin de la situation des grandes copropriétés dégradées, ces immeubles sont aujourd’hui confrontés à leur vieillissement technique qui nécessite la conduite de travaux et la mobilisation des instances de la copropriété.
En outre, ce parc, composant les espaces de centralités de villes moyennes, est porteur d’importants enjeux urbanistiques de valorisation, positionnant les copropriétaires comme des partenaires potentiels des autorités locales. Les politiques de « régénération » des centralités mises en œuvre par différentes villes constituent une forme de répertoire d’actions riche des différentes expérimentations locales qu’il reste à investiguer pour porter éclairage sur des politiques discrètes qui passent par le soutien et l’accompagnement des copropriétaires.
En recourant aux méthodes d’enquêtes socio-anthropologiques et en tenant une traversée des échelles spatiales du domestique à l’urbain, ce projet entend apporter des connaissances utiles sur les copropriétés qui restent à saisir comme « objet urbain ». Il est structuré en deux axes :
1- Ficelles et trajectoires de transformation des centres-villes Reconstruits par leur tissu de copropriétés, avec les copropriétaires ?
Parce qu’elles composent les centralités de villes moyennes, nos copropriétés sont porteuses d’enjeux qui dépassent la seule satisfaction de leurs habitants.
Nous explorerons une action urbaine qui, d’une part, démultiplie ses modalités d’actions (aides de droits communs, appels à projets, ateliers ANAH, subventions exceptionnelles, conventionnement) et, d’autre part, prend une tournure collaborative actée par l’apparition d’un nouveau vocabulaire (café-copro, forum des copropriétés, thermo-copro, appel à projets), et verrons quelles sont les épreuves auxquelles sont confrontées les actions d’aide ou de soutien aux copropriétaires. Pour cela, nous nous rapprocherons de personnes ressources afin de conduire des entretiens portant sur les politiques urbaines et les rapports entretenus par les élus, les techniciens et les professionnels avec les copropriétés et les copropriétaires dans les trois villes.
Par ailleurs, nous observerons les nouvelles scènes intermédiaires entre copropriétaires-partenaires et pouvoirs urbains, et tenterons de saisir sur le vif des interactions qui s’y inscrivent différents enjeux sociaux et urbains qui peuvent s’y exprimer.
2- Les copropriétaires et les habitants des copropriétés issues de la Reconstruction : acteurs de leur cadre de vie, acteurs urbains ?
Alors que ces copropriétés issues de la Reconstruction apparaissent en pleine mutation, nous interrogerons d’une part, les niveaux de prises des habitants avec les mondes de la copropriété et, d’autre part, les interactions qu’ils entretiennent avec les politiques et dispositifs de soutien à une revalorisation des centralités.
La conduite d’entretiens auprès d’habitants des copropriétés et de copropriétaires sera l’occasion de mener des observations des lieux, et de révéler les logiques résidentielles et patrimoniales à l’œuvre. Après une première séquence de travail exploratoire, nous ciblerons 3 ou 4 copropriétés dans chacune des trois villes. Nous conduirons des approches ethnographiques fouillées, s’approchant de monographies d’immeubles et de copropriétés. Nous serons particulièrement attentifs à la figure de l’habitant-acteur qui varie sur le terrain des copropriétés : acteur de son cadre de vie et de ses appropriations, confronté à des discussions sur l’espace commun ; acteur (parfois en retrait) de la gestion de son cadre de vie et/ou de son patrimoine, et acteur urbain.
Nous enquêterons sur ce qui peut être approchée comme une condition habitante, placée sous influence des mondes de la copropriété, et nous chercherons à évaluer les niveaux de prises sur ces mondes en regard d’une acculturation nécessaire au fonctionnement juridique ainsi qu’aux domaines de la technique. Nous pourrons repérer d’éventuelles épreuves dans les dynamiques de transformation de ce patrimoine, et plus largement de la ville, et ainsi penser la copropriété comme un véritable objet urbain.
Nous étudierons également les rapports que copropriétaires et habitants des copropriétés peuvent entretenir avec les politiques et dispositifs de soutien à une revalorisation des centralités et du parc qui les compose : Y-a-t-il une appropriation de la valorisation de leur cadre de vie d’initiative institutionnelle ? Celle-ci se fait-elle avec eux, sans eux, contre eux ?