Les villes contemporaines sont marquées par des processus de recomposition des faits religieux (Endelstein et Dejean, 2013) à travers des pratiques qui sont caractérisées par la publicité, l’expressivité et la visibilité dans des sociétés mondialisées (Gauthier, 2017). La ville est investie par le religieux, à la fois comme objet de revendication et un lieu de constructions symboliques, en faisant de l’espace urbain un lieu de confrontation et de superposition de différents systèmes de croyance (Piet et Brunet, 2011). L’inscription du religieux dans l’espace urbain est un phénomène singulier au Sénégal. Elle se lit dans les paysages, les ambiances, la morphologie et la production urbaines. La ville est un lieu de coprésence des diverses religions, d’expression de leur diversité mais aussi de leur cohabitation, de leur concurrence, et de leur solidarité (Timera et al., 2016a). Le fait religieux en ville est interrogé par les géographes sous l’angle de la production urbaine (Gueye, 1997 ; 2002 ; 2005, Timera et al., 2016a), des territoires (Sow, 2007, Manga, 2011, Timera et al., 2019), de la gouvernance urbaine (Diagne, 2011, Marega, 2024), des évènements religieux (Ninot, 2010), des stratégies et des logiques théologiques, confrériques et économiques (Timera et al., 2016), et des rapports à l’espace public (Touré, 2021). Cette communication porte sur l’inscription du fait religieux dans les espaces publics à partir d’une cartographie originale des marqueurs spatiaux du religieux dans la ville de Rufisque. Dans une perspective de géographie sociale, notre contribution analyse les phénomènes d’appropriation spatiale et de visibilisation du religieux dans les espaces publics en s’intéressant aux représentations et aux significations des marqueurs spatiaux qui expriment le rapport à l’espace urbain et participent d’une dynamique collective de production, de conquête et d’organisation des territoires urbains. La méthodologie élaborée vise à collecter de manière exhaustive l’ensemble des marqueurs spatiaux à caractère religieux dans l’espace urbain. Le dispositif mis en œuvre conjugue la localisation des marqueurs, avec une grille d’observation permettant leur description typologique et sémantique. Cet exercice de catégorisation opère non seulement une différenciation des marqueurs spatiaux mais également une mise en relation entre ces derniers et les constituants de l’islam sénégalais, en conférant à chaque type des attributs qui sont associés à sa religiosité, et à sa fonction. Ces marqueurs sont intégrés dans un système d’information géographique pour produire des indicateurs et des représentations cartographiques afin d’analyser les coprésences, les hiérarchies et les autres « interrelations » entre religions ou confréries. Des entretiens avec des commanditaires de marqueurs et des citadins ont permis de recueillir les motivations, les perceptions et les significations. Les marqueurs spatiaux du religieux dévoilent de manière expressive le rapport à l’espace urbain au Sénégal. Leurs inscriptions toponymiques et paysagères témoignent des aspects multidimensionnel et multifonctionnel du marqueur religieux en rendant compte des coprésences, hiérarchies, « interrelations » entre religions ou confréries. Les marqueurs donnent à voir les enjeux sociaux, économiques et politiques de la fabrique de la ville, mais aussi les tensions entre le sacré et le profane, le public et le privé, l’intériorisation et l’extériorisation de la religiosité chez les citadins. Ils sont une grille de lecture de la ville à travers ses fonctions, sa structuration, ses centralités et ses territorialités.