La communication interroge l'influence des acteurs du religieux dans la reconfiguration de l’espace public et du pouvoir politique local à Tivaouane. Au Sénégal, cette ville sainte de la confrérie soufie Tidjaniyya, connaît chaque année des rassemblements religieux d’envergure dont le Gamou est le plus emblématique. Dépassant la seule dimension spirituelle pour devenir des moments d’affirmation identitaire et d’expression religieuse et politique, ces événements permettent aux groupes sociaux et religieux de se rencontrer, se confronter et de redéfinir la gouvernance de la ville. Initialement fête traditionnelle, le gamou est devenu musulman au début du XXe siècle avec l'installation d'Elhadj Malick Sy à Tivaouane. Depuis, chaque année, des milliers de personnes y célèbrent la naissance du prophète Mouhammad. Bien qu’unificateur, le Gamou est aussi le théâtre de tensions et de divisions intra et interconfrériques. Par exemple le Dahiratoul Moustarchidine Wal Moustarchidaty, scission confrérique tidjane, utilise l'hippodrome de Tivaouane comme lieu alternatif de rassemblement depuis les années 1980. Cet espace symbolise la contestation et l’affirmation identitaire face à la branche principale de la Tidjaniyya. La bipolarisation du Gamou interroge quant aux relations entre sphères religieuses et politiques. L’organisation et la manifestation de ce grand événement illustrent la manière dont les autorités religieuses redéfinissent leur pouvoir et leur identité dans l’espace public. Tivaouane est à la fois une ville religieuse et une commune juridique. Ce double statut engendre une gouvernance complexe. Les nombreux acteurs religieux, politiques et associatifs y interviennent, avec parfois des chevauchements ou « dépassements de fonction ». Par exemple, l’association COSKAS a pris une dimension politique majeure, influençant les politiques locales et nationales. Les groupes religieux redéfinissent ainsi les rapports sociaux et renforcent leur capital symbolique en s'engageant dans la sphère publique, souvent au détriment de l'État. Nous présenterons donc ici le contexte d’étude en articulant la singularité de Tivaouane autour du Gamou. Nous montrerons comment cette fête rassemble et révèle des divergences entre les groupes religieux. Enfin, nous aborderons la gouvernance complexe de la ville, résultat d’un double statut autour duquel composent de nombreux acteurs. Ces derniers y jouent un rôle crucial dans la reconfiguration de l’espace public, de la gouvernance et des rapports de pouvoir, avec des répercussions importantes sur la société sénégalaise.