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Une géographie sociale de la santé pour mieux appréhender la dimension spatiale des "parcours de santé
Cette communication propose une réflexion sur l’intérêt de mobiliser davantage les travaux en géographie de la santé combinés à ceux de la géographie sociale pour analyser la question territoriale au sein de l’action sociale. Le propos s’appuie sur une synthèse bibliographique et sur mes expériences de recherche depuis une dizaine d’années. Le défi de trouver les clefs d’interprétation des disparités spatiales en protection de l’enfance (Terrier, Halifax, 2017) ou encore la prudence à adopter vis-à-vis du poids à donner aux spécificités locales dans la manière de penser, de piloter et de mettre en œuvre le travail social m’ont amenée progressivement à entrevoir la qualité heuristique de ce croisement disciplinaire. La dernière saisine lancée par le Comité Régional du Travail social de Bretagne, au sein duquel je suis impliquée auprès d’un groupe de travail, interroge le parcours de santé comme analyseur possible de l’articulation entre le secteur social et le secteur sanitaire. Cette recherche invite, à nouveau, à se tourner du côté de la géographie de la santé qui s’est penchée sur la dimension spatiale de la notion de parcours. Lors de cette communication, il s’agira dans un premier temps, de montrer le décalage entre le recours systématique au territoire comme mode d’opérationnalisation des politiques sociales (Mathieu, 1997 ; Palier, 1998 ; Autes, 2005 ; Tissot & Poupeau, 2005) et la faible mobilisation des travaux de géographes qui s’intéressent à l’action sociale (Hommage, 2007 ; David, 2008 ; Guy, 2015 ; Moine, 2015). Alors que la place accordée à l’espace, au local et au territoire suppose une nécessaire distance critique afin d’éviter le risque de surdétermination du facteur spatial dans l’appréhension des processus sociaux, l’outillage conceptuel et méthodologique nécessaire à la lecture des enjeux spatiaux reste encore à développer au sein du secteur social. Les analyses territoriales se limitant la plupart du temps à des tableaux de bord statistiques et cartographiques présentant la répartition spatiale des principaux indicateurs sociaux et de l’offre sociale (Gallay et al., 2013 ; Guéry, 2015 ; Terrier, 2019). Ce constat nous amènera dans une seconde partie à présenter la géographie de la santé , discipline peu mobilisée au sein des recherches sur le travail social alors qu’elle s’intéresse à des questions comme l’accessibilité, les parcours, les facteurs de risque ou encore les inégalités territoriales. Nous verrons pour quelles raisons la géographie de la santé qui s’est construite à l’origine sur des méthodes statistiques pour mener des analyses épidémiologiques des pathologies et de l’offre de santé s’est progressivement rapprochée de la géographie sociale (Séchet&Fleuret, 2004). La géographie sociale qui s’intéresse à la « dimension spatiale des sociétés » (Veschambre, 2006) cherche à éviter de donner une place surdimensionnée au facteur territorial dans l’explication des phénomènes sociaux et amène à visualiser le territoire au travers des groupes et des individus, à partir de l’analyse de leurs espaces vécus (Frémont, 1976), de leurs représentations et de leurs pratiques socio-spatiales (Cailly, 2004) tout en considérant les effets des inégalités sociales et des rapports sociaux . C’est à partir de ce propos épistémologique que nous arriverons dans une troisième partie à tester l’apport de cette « géographie sociale de la santé » dans l’analyse des « parcours de santé ». La notion d’accessibilité nous semble particulièrement intéressante à mobiliser afin de prendre en considération dans l’analyse des parcours les contextes géographiques, les processus sociaux ainsi que les trajectoires individuelles (Hoyez, 2015). Dans ses travaux, Raymonde Séchet (2019) explique par exemple que « des politiques d’offres de services plus équitablement répartis ne peuvent garantir à elles seules une réduction des inégalités et des injustices » étant donné que les habitants n’ont pas les mêmes capacités à transformer des opportunités en ressources spatiales. L’étude menée actuellement par le CRTS de Bretagne pourrait ainsi contribuer à mieux comprendre les différents vecteurs - dont la part irréductible de bricolage - qui viennent dessiner le parcours de santé des personnes .
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