Dans le cadre des activités du groupe « Habitat et conflictualités » du Réhal, un séminaire organisé en 2023 a interrogé les liens entre conflictualités, tourisme et habitat. Prenant appui sur les prolongements de ces réflexions, et en lien avec l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 en région parisienne, ce nouveau séminaire propose de centrer l’analyse sur les conflits urbains liés aux grands événements ainsi que leurs effets sur l’habitat et les habitants.
Les JOP constituent, à cet égard, un cas emblématique : ils concernent prioritairement une ou plusieurs villes, mobilisent des investissements financiers considérables (Chappelet, 2016) et sont fréquemment saisis comme des leviers de recomposition urbaine inscrits dans des projets urbains globaux (Roult, Lefebvre, 2010) comme ce fut par exemple le cas à Barcelone en 1992. Cependant, ils participent aussi à la production d’équipements rapidement obsolètes que l’on surnomme « éléphants blancs » (Athènes, 2004 ; Pékin, 2008 ; Rio, 2016), qui peuvent contribuer à l’éviction ou au déplacement de personnes jugées « indésirables » (Rio, 2016) ou entraîner des déplacements de population qui ne se sentent plus à leur place dans ces nouveaux quartiers (Londres, 2012). Les grands événements en général, qu’ils soient culturels, politiques, économiques ou sportifs comme les JOP, sont souvent présentés par le marketing territorial comme des vecteurs de dynamisme économique ou de rayonnement international mais ils catalysent aussi des transformations urbaines aux effets qui peuvent être ambivalents et contestés (Delaplace, 2023). Dans le cadre des JOP, des groupes de contestation se sont ainsi constitués dans les villes candidates et dans les villes hôtes à l’origine de mouvements internationaux anti-olympique et anti-bids (Fabry & Zeghni, 2020). Le mouvement anti-bids rassemble des militants issus de groupes locaux qui craignent les effets néfastes liés à l’aménagement de nouvelles infrastructures pour accueillir ce méga-événement. Ces mobilisations peuvent apparaitre dès l’annonce d’une potentielle candidature (ibid).
Parmi les enjeux les plus saillants, la question du logement occupe une place centrale : accélération des dynamiques de gentrification (Boykoff, Gaffney, 2020), hausse des loyers, transformation du parc résidentiel, évictions temporaires ou définitives de populations précaires (Sebillotte, 2024), reconfigurations des usages de l’habitat et de l’habiter dans les quartiers concernés, etc. Les grands événements produisent ainsi des tensions spécifiques entre les habitants « ordinaires », les publics de l’événement, les acteurs institutionnels, les opérateurs privés. Ces tensions redessinent les rapports de pouvoir autour de l’accès à la ville et à ses ressources résidentielles.
Au-delà du cas particulier des JOP de Paris 2024 qui a été l’objet d’une attention importante du milieu de la recherche, nous souhaitons interroger d’autres terrains supports de grands événements, que ces derniers soient sportifs, culturels ou économiques, en France comme à l’international. Il s’agit de comprendre comment l’habitat – et plus largement l’habiter – devient un enjeu et un support de conflictualités avant, pendant et après ce genre d’événement : modification des formes urbaines et des systèmes de transport, recomposition des voisinages, formes d’appropriation et de désappropriation, reconfigurations des usages quotidiens, stratégies de résistance, de contournement ou d’accommodation des habitants.
Ce séminaire souhaite également interroger les formes d’expression de ces conflits, en écho à la notion de « rupture de contrat entre habitants et touristes » (Duhamel, 2023), transposée ici aux relations entre habitants, publics et acteurs de l’événement. Comment s’énoncent et se donnent à voir de telles ruptures de contrat ? Quels registres de justification, de légitimité ou de dénonciation sont mobilisés par les habitants, les collectifs, les associations, mais aussi par les institutions locales ou les organisateurs ? Quels dispositifs de régulation, de compensation ou de participation sont mis en place, et avec quels effets sur les conflictualités ?
Dans ce contexte, les contributions attendues devront s’inscrire dans au moins un des axes suivants :
- Décrire et recenser les différents types de conflictualités liées aux grands événements et leurs évolutions, en portant une attention particulière aux temporalités (avant / pendant / après l’événement) et aux échelles (bâtiment, quartier, agglomération, métropole).
- Analyser les modalités d’expression, de traduction et de mise en visibilité des conflits, qu’il s’agisse de mobilisations habitantes, de controverses médiatiques, de contentieux juridiques ou de formes plus diffuses de résistance et de désaccord.
- Étudier les stratégies de gouvernance et les dispositifs d’action publique visant à prévenir, atténuer ou reconfigurer les conflits, qu’elles soient portées par les collectivités, les organisateurs, les bailleurs, les acteurs économiques, les associations. Questionner leurs effets de ces stratégies sur l’habitat et les habitants.
- Présenter des expériences remarquables ou des enquêtes de terrain portant sur des contextes de grands événements, en privilégiant les approches comparatives (France / international, villes hôtes / villes non hôtes, événements sportifs / culturels / politiques / économiques, etc.).