Des forêts classées aux paysages du patrimoine mondial. L’héritage forestier colonial dans la patrimonialisation contemporaine des paysages de savane en Afrique de l’Ouest
Soline Butin, Aziz Ballouche, Sébastien Caillault. Des forêts classées aux paysages du patrimoine mondial. L’héritage forestier colonial dans la patrimonialisation contemporaine des paysages de savane en Afrique de l’Ouest. Projets de paysage : revue scientifique sur la conception et l'aménagement de l'espace, 2025, 32, ⟨10.4000/14vkx⟩. ⟨hal-05311422⟩
Cet article propose une analyse de la genèse et des évolutions des aires protégées en Afrique de l’Ouest, en particulier dans le contexte des savanes soudaniennes. Il s’appuie sur une approche croisée, combinant littérature scientifique, sources historiques, données cartographiques et enquêtes de terrain menées entre 2023 et 2024 dans la région de Kédougou, au Sénégal. L’étude met en évidence l’ancrage colonial des premières politiques de protection environnementale, centrées sur une vision utilitariste et naturaliste des paysages. Le recours au paysage comme outil de patrimonialisation, dans le cadre du Pays Bassari : paysages culturels Bassari, Peul et Bédik sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, se veut en rupture avec une vision naturaliste, en intégrant aux logiques de conservation une dimension sociale. Cependant, cette volonté affichée de reconnaître les pratiques locales demeure ambiguë. La patrimonialisation reste largement guidée par des normes internationales et une logique naturaliste, souvent déconnectée des pratiques agro-sylvo-pastorales locales. L’article s’interroge ainsi sur les tensions entre la reconnaissance institutionnelle du rôle des sociétés dans la fabrique des paysages et le poids d’une vision héritée, qui limite leur prise en compte dans les politiques de gestion et de conservation.
This article analyses how protected areas in West Africa originated and evolved, and more specifically those in savanna environments. It takes a cross-disciplinary approach combining scientific literature, historical sources, cartographic data and field surveys conducted between 2023 and 2024 in the Kédougou region of Senegal. The study highlights the colonial origins of early environmental protection policies which were centred on a utilitarian and naturalistic view of landscapes. The use of the landscape as a tool for heritage preservation in the context of the Bassari, Fula and Bedik cultural landscapes which are on the UNESCO World Heritage List is intended to break with a naturalistic view by integrating a social dimension into conservation approaches. However, this stated desire to recognise local practices is ambiguous. Heritage designation continues to be largely guided by international standards and a naturalistic approach often disconnected from local agricultural, forest farming or pastoral practices. The article examines the tensions between an institutional recognition of the role of societies in the creation of landscapes and an inherited view that limits recognition of this role when defining management and conservation policies.