Dans le contexte spécifique de l’Université de Caen-Normandie, les auteur·trices de cette contribution ont participé à la création d’un Observatoire des Conditions de Travail. Au croisement des logiques scientifique et syndicale, cette initiative cherche à documenter les conditions de travail universitaire et à mesurer les effets de leur dégradation sur la santé du personnel à partir d’une enquête par questionnaires (passés à l’hiver 2021) et par entretiens semi-directifs auprès d’agent·es volontaires (à ce jour, 16 entretiens ont été réalisés). Si l’enquête menée par l’Observatoire tend à valider l’hypothèse d’une dégradation généralisée des conditions de travail, certain·es agent·es apparaissent plus touché·es que d’autres ou ne disposent pas des mêmes ressources pour faire face à ces mutations de l’activité. Ce sont d’abord les conditions d’emploi et les hiérarchies professionnelles qui façonnent des inégalités dans les expériences au travail à l’Université. Ainsi, pour les précaires, les conditions de travail sont perçues plus négativement, notamment dans la difficulté à se projeter sereinement dans l’avenir (professionnel), et contribuent à la dévalorisation de leur statut. Si les enseignant·es(-chercheur·ses) déclarent souffrir davantage de l’intensification du travail que les agent·es BIATSS, leur statut et l’organisation de l’institution offrent des possibilités plus étendues pour agir sur les conditions de leur mal-être. À l’inverse, le personnel « non enseignant(-chercheur) », plus spécifiquement les agent·es de catégorie B et C, enserré·es dans les rapports hiérarchiques spécifiques à l’Université, paraissent subir plus durement les mutations technologiques et organisationnelles de leur métier. Traversant (et renforçant) ces inégalités statutaires, le genre tend à maintenir les femmes dans une position de subordination au sein de l’établissement et à invisibiliser certaines tâches d’ordre relationnel dans le quotidien au travail. Plus souvent assignées à des postes ou fonctions subalternes, les agentes BIATSS comme enseignantes(-chercheuses) semblent prendre davantage en charge le travail émotionnel vis-à-vis des usager·es comme de leurs collègues. Cette activité qui s’ajoute à leurs missions pourrait participer d’une dégradation accentuée des conditions de travail des femmes à l’Université.